Les sourires se sont figés depuis l’arrivée de Kerfalla Yansané à Washington. Nommé par le président Alpha Condé comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Guinée aux Etats-Unis le 24 Novembre 2017, l’homme avait suscité beaucoup d’espoirs au sein de la communauté guinéenne à cause de son expérience professionnelle et son long parcours dans l’administration du pays.
Mais depuis la présentation de ses lettres de créances au Président Donald Trump le 24 Janvier 2018, le nouvel ambassadeur guinéen a déconcerté plus d’un par ses actions, son approche et son style. Ce qui lui vaut d’être perçu négativement au sein de la communauté, à la différence de ses nombreux autres prédécesseurs.
Les griefs qu’on lui reproche sont multiples mais très tôt il surprit l’opinion par la manière dont il prit en charge l’élection du bureau du Conseil des Guinéens de l’Etranger. Au lieu de rester à l’écoute de la communauté et d’adopter une approche inclusive, l’ambassadeur Yansané balaya d’un revers de la main toutes les idées et suggestions qu’on lui présentait et imposa sa volonté à tous. Cette tactique jugée très maladroite par les parties concernées conduira naturellement à un fiasco.
Plusieurs délégations d’associations guinéennes impliquées dans le processus électoral préfèreront se retirer que de cautionner une parodie d’élections. Ce fut le cas de la délégation de New York, la plus importante au niveau des associations guinéennes aux Etats-Unis. Il faut noter que dans la seule ville de New York, on dénombre entre 30 à 50,000 guinéens alors que dans les autres villes ce chiffre varie entre 3 à 5,000. Le résultat est qu’à ce jour, le bureau du Conseil des Guinéens de l’Etranger est loin d’être représentatif de l’ensemble de la communauté guinéenne vivant aux Etats-Unis d’Amérique.
Mais selon certains observateurs, c’était bien l’objectif visé par l’ambassadeur Yansané et ses supérieurs hiérarchiques, celui d’avoir un Conseil qui soit aux ordres.
Malgré cette première gaffe, rien n’a d’autant irrité les guinéens que lorsqu’on apprit que M. Kerfalla Yansané avait décidé de changer de stratégie dans le traitement des dossiers des migrants guinéens qui attendent leur régularisation dans les centres de détention à travers les Etats-Unis. Aussi régulièrement que possible, l’ambassade de Guinée reçoit des autorités américaines des listes de détenus soupçonnés d’avoir la nationalité guinéenne et qui doivent être renvoyés dans leur pays d’origine. Il leur ait demandé donc de leur fournir des documents de voyage afin que le rapatriement puisse avoir lieu.
Alors que le prédécesseur de M. Yansané, l’ambassadeur Mamady Condé exigeait de l’administration américaine des preuves qu’il s’agissait bien des citoyens guinéens et que les conditions de rapatriement étaient adéquates, aujourd’hui on ne pose aucune question et aucune condition n’est mise en avant. Les documents de voyage sont préparés et signés pour que les pauvres migrants soient rapatriés manu-militari en Guinée.
A y regarder de près, tout semble indiquer que c’est la mission principale pour laquelle l’ambassadeur Yansané est en poste à Washington. D’ailleurs, de nombreux observateurs ne comprennent pas pourquoi un homme qui approche ses 80 ans continue encore de servir dans l’administration et la diplomatie guinéenne alors que de nombreux jeunes à la compétence avérée peuvent mieux représenter le pays.
En plus, il ya lieu de se demander avec angoisse quelle contribution M. Kerfalla Yansané a réellement apporté au développement socio-économique de la Guinée. On se souvient de ce rapport accablant formulé contre lui alors qu’il était gouverneur de la Banque centrale de Guinée. Ce qui lui avait valu d’être limogé par le Général Lansana Conté. Et il a du faire une traversée du désert jusqu’à son retour surprenant au ministère de l’économie et des finances pendant la période de transition.
Comme lors de son passage à la Banque centrale, au Ministère des finances et celui des Mines et de la Géologie, la présence de Kerfalla Yansané a créé un climat de malaise au sein de la chancellerie guinéenne à Washington. Surtout qu’il a été rapporté que M. Yansané, de par son attitude, entretient de mauvais rapports avec ses proches collaborateurs. On le dit hautain, dédaigneux, suffisant et autoritaire.
Il a mécontenté son staff en réaffectant certains d’entre eux à des tâches subalternes, en violation flagrante des principes et de la nomenclature du ministère des Affaires étrangères du pays. Et il a également envoyé de Conakry sa propre équipe sur laquelle il s’appuie pour tous les projets importants. C’est dire qu’une telle situation allait nécessairement déboucher sur un conflit.
C’est ainsi qu’il a eu récemment des démêlés avec le journaliste Ben Bangoura, éditeur du site AlloAfricanews qui travaillait depuis 2012 pour la chancellerie. M. Bangoura, un ancien journaliste de la VOA et de l’OBS à Washington, a collaboré avec tous les ambassadeurs guinéens aux Etats-Unis depuis 1999. Il avait été recruté officiellement par l’ambassadeur Blaise Cherif en tant que collaborateur extérieur, puis membre à part entière du personnel local.
L’ambassadeur Mamady Condé, qui est arrivé ici en 2014, a renforcé cette position. Il a non seulement augmenté son salaire mais aussi il lui a affecté un bureau et des équipements pour lui permettre de mieux faire son travail.
A l’époque, l’ambassadeur Condé n’a même pas trouvé nécessaire de lui faire signer un autre contrat, estimant que le document laissé par son prédécesseur relatif à l’engagement de Ben Bangoura était suffisant dans la mesure où l’administration est une continuité. Puis est venu Kerfalla Yansané en janvier 2018.
Dès sa prise de fonction et sans le moindre préavis, il a revoqué M. Bangoura de sa fonction et retiré l’administration du site web de l’ambassade que ce dernier avait initié la création.
Après plusieurs tentatives d’arriver à un compromis, il a exigé que le journaliste signe un nouveau contrat qui était sensiblement différent du premier. Malgré cette déconvenue M. Bangoura a accepté de travailler dans le même esprit d’équipe mais en vain.
Après avoir suspendu les activités du journaliste sans préavis pendant trois mois, l’ambassadeur Yansané a décidé récemment de résilier le contrat de M. Bangoura sans raison sinon que sa récente publication dans la presse étrangère d’un article mettant en garde le président Alpha Condé contre un 3ème mandat qui, selon le journaliste, serait tragique pour le pays.
M. Ben Bangoura se plaint de n’avoir pas été payé depuis plusieurs mois et que l’ambassade lui doit une somme importante pour ses prestations de service. L’ambassadeur Yansané a bloqué son salaire et toutes les médiations à ce jour n’ont donné aucun résultat, ce qui lui cause des dommages préjudiciables, et surtout à sa famille.
Dans une lettre qu’on lui a adressée, l’ambassade reconnait finalement lui devoir des arriérés de salaire dont le paiement ne sera effectué que lorsque tous les équipements mis à sa disposition par l’ambassadeur précédent seront retournés et que vérification est faite qu’ils sont tous dans un bon état de fonctionnement.
Face à cette demande, le journaliste se rebiffe et insiste qu’il est prêt à rendre tous les équipements mais le paiement de ses honoraires ne doit pas être conditionné au bon fonctionnement d’un quelconque appareil. Selon lui, ses honoraires restent ses honoraires et ne doivent pas faire l’objet d’une manœuvre dilatoire. C’est à ce niveau que les négociations sont bloquées puisque l’ambassade campe sur ses positions et refuse jusqu’à présent de verser au journaliste le paiement de ses honoraires.
Un autre employé de rang encore plus subalterne a subi le courroux de l’ambassadeur Yansané: il s’agit du cuisinier Djalma Soumah qui avait travaillé pendant 20 ans pour la mission guinéenne à l’ONU avant de se retrouver à Washington à l’appel de son prédécesseur Mamady Condé. Après sa prise de fonction, l’ambassadeur a simplement vidé le cuisinier en mettant ses bagages dans la rue et en le faisant remplacer par un autre qui ne tiendra pas plus d’un mois.
Toutes ces affaires si mal gérées ont fini de ternir l’image de marque de l’ambassade. A cause de son style autocratique et son manque de finesse diplomatique, l’ambassadeur Yansané est de plus en plus décrié à Washington. A tel point qu’il existe maintenant un fossé entre la représentation diplomatique et la diaspora guinéenne aux Etats-Unis.
Déjà certains membres de la communauté ont pris leur distance vis-à-vis de lui tout en se promettant de se tenir à l’écart aussi longtemps que cette atmosphère malsaine persisterait dans les locaux de la chancellerie guinéenne.
Cet éditorial reflète le point de vue de la rédaction du site d’information AlloAfricaNews