Le secteur de l’éducation nationale guinéenne a été trop secoué ces dernières années et, depuis bien longtemps. Face aux réclamations récurrentes du mouvement syndical, le gouvernement semble las ; les syndicalistes, eux, restent déterminés à aller jusqu’au bout.
De 2017 à nos jours, les multiples grèves ont accéléré le départ de beaucoup de ministres voir de certains gouvernements, causé la mort de nombreux jeunes élèves et étudiants et des dégâts matériels importants. L’année dernière, nous avons frôlé de très près une «année blanche ». Sans oublier que ces perturbations récurrentes concourent également à la baisse ahurissante du niveau des élèves et des taux d’admission aux examens nationaux. Entre autres !
Quelles approches peut-on adopter pour instaurer la stabilité et un véritable dialogue social dans le secteur de l’éducation ?
L’éducation, on ne le dira jamais assez, est le moteur ou la pierre angulaire de tout développement. Selon le célébrissime, Joseph KI-ZERBO «l’éducation, c’est le logiciel de l’ordinateur central qui programme l’avenir des sociétés. »
Malheureusement, nous sommes en train de saboter la nôtre sans s’en rendre compte. Au lieu qu’ensemble, nous nous organisions pour faire face aux nombreux défis de notre système éducatif, notamment en terme de gouvernance, de qualité, d’accès et d’équité, nous perdons du temps à se tirailler sur des problèmes qui pourraient trouver solution dans un cadre de dialogue bien défini.
Pour freiner ou stopper les crises récurrentes au sein du secteur de l’éducation, il serait judicieux de définir des mécanismes et des organismes indépendants et crédibles qui s’en chargeront de façon permanente. Parce qu’aujourd’hui, il y a à la fois une crise de moralité, une crise de confiance, une crise de leadership et un manque du sens du patriotisme des acteurs ou entre les acteurs.
Parmi ces mécanismes et des organismes envisageables, nous pouvons noter :
La mise en place d’un Conseil Supérieur de l’Education Nationale et de la Recherche Scientifique :
Prévu dans la loi d’orientation de l’éducation N° L/97/022/AN du 19 Juin 1997 dans le but d’ « assurer la cohérence des interventions du gouvernement en matière d’éducation », cet organisme pourrait être d’une importance capitale pour la stabilité et un dialogue social sain au sein du secteur. Il pourrait être composé de tous les acteurs du système éducatif (Etat, syndicats de l’éducation, société civile et les partenaires techniques et financiers sans droit de vote,…). Ce conseil supérieur pourrait avoir des antennes à l’intérieur du pays, par exemple : des conseils régionaux de l’éducation (CRE), des conseils préfectoraux de l’éducation (CPE), des conseils communaux de l’éducation (CCE) et des conseils sous-préfectoraux de l’éducation (CSPE). Cette forme de structuration pourrait, en plus de la stabilisation, avoir d’autres avantages non négligeables tels que : la décentralisation et l’implication réelles des communautés à la base dans la gestion de la chose scolaire.
La signature d’un Pacte Républicain de la stabilité dans le secteur de l’éducation
Une fois que le CSENRS (Conseil Supérieur de l’Education Nationale et de la Recherche Scientifique) sera mis en place, il serait imminent que tous les acteurs acceptent la signature d’un ‘’pacte républicain de la stabilité dans le secteur de l’éducation’’ au moins pendant dix (10) ans (période de trêve). Dans ce pacte, l’Etat doit s’engager à œuvrer concrètement et inlassablement pour la qualification de l’éducation en tant que « priorité des priorités » et des conditions de vie et de travail des professionnels de l’éducation. Ensuite, le mouvement syndical de l’éducation doit s’engager à opter pour le dialogue et la concertation face à toute réclamation. Les enseignants, pour leur part, devront s’engager à travers ‘’un serment de l’enseignant’’ d’accomplir convenablement leurs devoirs d’enseignants et d’encadreurs. La société civile, les associations de parents d’élèves et amis de l’école ainsi que les associations d’élèves et d’étudiants devront également s’engager à se mobiliser pour des actions concrètes pour une éducation de qualité et inclusive et à œuvrer inlassablement pour la stabilité au sein du secteur.
L’élaboration d’un code de déontologie
Ce code de déontologie qui inclura les droits et devoirs des enseignants serait salutaire pour le bon fonctionnement de l’école guinéenne. En guise d’exemples, le code comprendra :
Les devoirs des enseignants envers les apprenants
Leurs responsabilités envers la profession
Leurs responsabilités envers les collègues
Leurs responsabilités envers les parents et tuteurs
Et leurs responsabilités envers l’Etat et la société
A noter, enfin, que toutes ces questions pourraient être débattues de fond en comble au sein d’un « comité de crise » que le Président de la République voudrait bien mettre pour nous permettre de sortir, une fois pour toute ou pendant longtemps, de ces crises récurrentes dans le secteur de l’éducation. Car, sans une éducation inclusive, de qualité et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, l’atteinte des ODD à l’horizon 2030 serait une simple illusion.
Aboubacar Mandela CAMARA
Sociologue/Enseignant-Chercheur/Consultant en éducation/Auteur
Promoteur et Défenseur du droit à l’éducation