Amnesty International a recueilli les témoignages d’une dizaine de parents et proches de personnes arrêtées à Conakry, Macenta (sud-est) et Télimélé (ouest) dont la plupart ont depuis disparu. Une partie d’entre-elles a été conduite dans un camp militaire hors de la capitale. Aucune famille et aucun avocat n’a pu avoir accès au camp, et les autorités n’ont jusqu’à présent pas communiqué officiellement sur cette situation. Ces pratiques constituent des disparitions forcées au regard du droit international.
Guinée. Disparitions forcées et arrestations d’opposants avant un scrutin contesté
Des rafles aveugles opérées dans des quartiers contestataires de Conakry
Des jeunes disparus depuis leur arrestation
Des opposants membres du FNDC arbitrairement arrêtés, parfois torturés
Les télécommunications et internet menacés de coupures à court terme
Les autorités guinéennes doivent immédiatement libérer toutes les personnes arbitrairement détenues et arrêter les rafles à l’aveugle opérées dans des quartiers de la capitale réputés contestataires, a déclaré Amnesty International à la veille des élections législatives et d’un référendum contesté sur une nouvelle constitution prévus dimanche 22 mars.
Des jeunes de la capitale Conakry dont le nombre pourrait atteindre 40 ont été arbitrairement arrêtés ces dernières semaines puis conduits en détention dans un camp militaire. Ils ont disparu depuis. D’autres arrestations ont visé dans les régions de Nzérékoré (sud-est) et de Kindia (nord-est) des personnes publiquement engagées dans la lutte contre le référendum constitutionnel, à travers le Front national pour la défense de la constitution (FNDC).
« La Guinée s’engage ce week-end dans des élections législatives et un référendum contesté par une partie de la population dans un contexte de répression systématique des opposants au projet de révision constitutionnel, » a déclaré Fabien Offner, chercheur au bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
« Rien ne saurait justifier les atteintes aux droits humains avant, pendant et après ces élections. Toutes les personnes arbitrairement arrêtées doivent être libérées immédiatement et sans condition, les droits à la vie et à l’intégrité physique doivent être protégés ».
Amnesty International a recueilli les témoignages d’une dizaine de parents et proches de personnes arrêtées à Conakry, Macenta (sud-est) et Télimélé (ouest) dont la plupart ont depuis disparu. Une partie d’entre-elles a été conduite dans un camp militaire hors de la capitale. Aucune famille et aucun avocat n’a pu avoir accès au camp, et les autorités n’ont jusqu’à présent pas communiqué officiellement sur cette situation. Ces pratiques constituent des disparitions forcées au regard du droit international.
Un parent de l’un des jeunes arrêtés le 11 février dernier au quartier Koloma à Conakry a déclaré à Amnesty International : « Il a été arrêté par les forces de l’ordre lorsqu’elles l’ont croisé alors qu’il rentrait chez lui. Il n’a jamais participé à la moindre marche. C’est un simple conducteur de taxi qui a été arrêté par hasard. Il y a eu plusieurs arrestations ce jour-là. Même moi, j’ai failli me faire arrêter. Je venais de la boutique pour m’approvisionner en unités téléphoniques. A l’entrée de ma cour, les policiers m’ont vu et m’ont dit de venir. J’ai refusé et ils m’ont poursuivi mais heureusement j’ai pu leur échapper ».
Plusieurs parents et proches ont déclaré que leurs proches arrêtés eux-aussi le 11 février à Koloma ont d’abord été détenus à Conakry, avant d’être emmenées par des militaires dans un lieu inconnu.
Un parent témoigne : « Mon fils a été arrêté le 11 février par une patrouille de la police entre 22h et 23h alors qu’il s’apprêtait à prendre un taxi. Il a été emmené à la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité du quartier Bambeto de Conakry. Le lendemain on l’a amené dans une autre Compagnie située au quartier Enco 5. Je suis allé le voir là-bas. Les policiers m’ont dit de revenir le lendemain. Quand je suis revenu, ils m’ont dit que les bérets rouges sont partis avec eux. J’ai sillonné tous les coins de Conakry, les camps, en vain. »
« Les forces de sécurité guinéennes doivent révéler immédiatement où se trouvent ces personnes disparues et quelle est leur situation au regard de la loi. Si elles sont détenues, les autorités doivent les inculper d’une infraction dûment reconnue par la loi ou les libérer immédiatement, » a déclaré Fabien Offner.
D’autre arrestations ont visé dans les régions de Nzérékoré et de Kindia des personnes publiquement engagées dans la lutte contre le projet de révision constitutionnelle, à travers le Front national pour la défense de la constitution (FNDC).
Deux membres du FNDC ont été arrêtés à leur domicile par des bérets rouges accompagnés de gendarmes au début du mois de mars à Télimélé et sont depuis incarcérés à la prison centrale de la ville sans accès à un avocat et sans avoir été présenté à un juge, ce qui constitue une détention arbitraire.
Le 27 février, un responsable local du parti d’opposition Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), membre du FNDC, et un étudiant ont été interpellés au grand marché de Nzérékoré. Ils ont été conduits au commissariat central puis au camp militaire de la ville où ils ont été torturés, selon les informations reçues par Amnesty International.
Le 15 février, Robert Kaliva Guilavogui alias Junior Gbagbataki du Parti de l’espoir pour le développement national (PEDN), membre du FNDC, a été arrêté à Macenta, d’où il aurait été conduit en détention à Faranah. Il a été conduit le 2 mars dans la soirée dans un autre lieu de détention inconnu.
Amnesty International demande aux autorités guinéennes de libérer tous les membres du FNDC arbitrairement arrêtés et d’ouvrir une enquête sur les allégations de torture que certains d’entre eux auraient subi en détention.
Dans le contexte d’un référendum contesté susceptible de permettre à l’actuel président de de se présenter pour un troisième mandat, l’organisation est par ailleurs préoccupée par les menaces qui pèsent sur l’accès à internet et aux télécommunications. Des perturbations du réseau internet ont d’ailleurs été constatées le 20 mars dans la soirée.
La Guinéenne de Large Bande (GUILAB) – opérateur d’infrastructures de télécommunication détenu majoritairement par l’Etat – avait annoncé que les appels internationaux et internet seraient coupés la veille et la matinée du vote en raison de « travaux », avant d’annoncer un report de la coupure, selon un communiqué de la structure. GUILAB doit s’assurer qu’aucune coupure n’interviendra à quelconque étape déterminante des élections législatives et du référendum.
“Les autorités doivent garantir l’accès aux télécommunications et à internet avant, pendant et après les élections, afin de permettre aux populations d’exercer leur droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information,” a déclaré Fabien Offner.
Communiqué transmis par le service presse d’Amnesty International