Pendant et après le double scrutin du 22 mars , des violences ont été enregistrées en Guinée Forestière (N’zérékoré ) où selon les ONG de droits de l’homme il y a eu plusieurs cas de morts et des dégâts matériels.
Nous vous proposons le rapport d’enquête du Collectif des ONG de défense des droits de l’homme en Guinée forestière publié ce vendredi 15 mai 2020.
Dans la constitution guinéenne, le peuple de Guinée proclame son adhésion aux idéaux et principes, droits et devoirs établis dans la Charte de I Organisation des Nations Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, les Conventions et Pactes internationaux relatifs aux droits de lHomme, lacte constitutif de lUnion africaine, la Charte Africaine des Droits de lHomme et des Peuples et ses protocoles additionnels relatifs aux droits de la femme, ainsi que le Traité révisé de la CEDEAO et ses protocoles sur la démocratie et la bonne gouvernance.
Cest pourquoi lArticle 5 de la Constitution de Mai 2010 stipule: « La personne humaine et sa dignité sont sacrées. LEtat a le devoir de les respecter et les protéger. Les droits et les libertés énumérées sont inviolables et imprescriptibles. Ils fondent toute société humaine et garantissent la paix et la justice dans le monde» et larticle 142 alinéa 2 de la même constitution dispose : « L e s f o r c e s d e s é c u rit é s o n t chargées de la protection civile, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes et de leurs biens et du maintien de lordre public.»
Ainsi, se fondant sur ces dispositions de la constitution et celles des instruments juridiques internationaux que la Guinée a ratifiés, à la lumière des objectifs du Collectif des ONG de défense des Droits de l’homme en Guinée forestière (défendre les droits humains et promouvoir l’accès des citoyens à la justice ) et dans le but de la recherche et de l’établissement de la vérité autour de ces évènements survenus à l’occasion de l’organisation des élections législative et référendaire du 22 Mars 2020 en République de Guinée dune part et de la poursuite judiciaire des présumés auteurs et leurs commanditaires d’autre part, le Collectif des ONG de défense des Droits de l’homme en Guinée forestière a pris l’initiative de mener des enquêtes en vue de la constatation des faits qui ont porté sur les atteintes et violations des droits de l’homme et de les documenter pour des fins utiles.
En outre, cette démarche vise à attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur des cas et des risques graves de violations des droits de l’homme et de promouvoir des mécanismes juridiques forts et efficients pour l’avènement dun véritable état de droit dans la région.
Au cas échéant, un tel document pourrait ainsi servir de base aux incriminations et aux poursuites éventuelles des présumés auteurs devant les tribunaux du pays et si possible au niveau internationale.
Les quartiers de Belle-vue, Dorota 1, Wessoua, Sokoura 1 et 2, Nakoyakpala, Boma, Gbanghana, Gonia 2 et 3, Horoya I et II, Kwitèyapoulou dans la commune urbaine de NZérékoré ont servi de lieux pour le recueils d’informations et témoignages des citoyens et victimes, de toucher du doigt les lieux où ont été perpétrés les atteintes et violations des droits e de l’homme : (tueries, fosse commune où des personnes tuées ont été enfuies, blessés graves et destructions des édifices publics et privés…)
Dans la même optique du recueil d’informations sur les violences du 22 au 24 mars 2020, nous avons aussi rencontré les autorités hospitalières, administratives, sécuritaires, religieuses et des acteurs de la société civile pour avoir leurs avis(ce quils ont vu et/ou fait).
2- COMPOSITION DES EQUIPES DENQUETES :
Les équipes étaient composées d’avocat, Sociologue, juristes, tous activistes des droits de l’homme disposant dune expertise reconnue dans ce domaine et, de préférence dune connaissance approfondie de la région et de ses problèmes.
Nous avons :
• Me Théodore Michel LOUA, Avocat, de l’Organisation Guinéenne pour la Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH); • M. Emmanuel Fassou SAGNO, Sociologue, de l’Observatoire Citoyen pour la Justice et la Paix (OCJP) ; • M. Adrien CHERIF, Juriste, de l’ONG Les Mêmes Droits pour Tous (MDT) • M. Patrice MAMY, Juriste, de l’ONG Volontaires Guinéens pour les Droits de l’Homme (VGDH) ; • M. Aimé Raphael HABA, Juriste, de l’ONG Avocats Sans Frontières Guinée (ASF Guinée)
3- OBJECTIFS DE LA MISSION
3.1 Contribuer à la recherche de la vérité
Les enquêtes, telles que spécifiées dans le présent rapport, contribue à la recherche de la vérité quant aux événements qui se sont produits et ayant entrainé des violations graves des droits de lhomme et affectant ainsi la cohésion sociale.
3.2 Contribuer aux efforts de règlement des différentes crises dans la région.
Cest en disant et recherchant la vérité que le travail du collectif pourra seulement apporter sa modeste contribution parmi les efforts visant au règlement des crises au niveau de la région et plus singulièrement à la consolidation de la paix.
3.3 Mettre fin à l’impunité et à irresponsabilité
De tels objectifs de la mission du collectif peuvent à court terme permettre d’élaborer des mécanismes de prévention et de résolution des conflits. Et à long terme, contribuer à mettre progressivement fin à l’impunité et à l’irresponsabilité, à la restauration de l’Etat de droit. Etant entendu que tout Etat a parmi ses piliers majeurs, l’administration de la justice.
3.4 Constituer un instrument de travail utile
La Commission a tenu à faire du résultat de la présente enquête un document utile quelle soit perçue comme une pure analyse et donc avoir simplement un caractère descriptif. Cette enquête permettra à coup sûr détablir les faits et les circonstances de leur perpétration mais, dans la mesure du possible, den identifier les auteurs. Mais aussi elle pourra servir à des besoins de recherches scientifiques, à d’autres institutions des droits de l’homme et aux magistrats pour des fins de procédures judiciaires et de manifestation de la vérité.
4- METHODOLOGIE
En vue de rendre fiable ce rapport d’enquête nous avons fait prévaloir la méthodologie suivante :
4.1 Sources documentaires
Le collectif a eu des sessions d’information sur la situation sociopolitique de la région, les rapports conjoints MDT/ASF Guinée sur les évènements de Zogota, Womey et les affrontements de 2013 à NZérékoré, les rapports du collectif sur les violations et atteintes aux droits de l’homme à Gonota, Gueasso, NZoo, Foumbadou (Préfecture de Lola), Saoro, Galakpaye, Bignamou (Yomou) et sur les violences des forces de Défense et de Sécurité (FDS) sur des citoyens au cours des manifestations du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) à NZérékoré, des rapports sue les évènements du 22 au 24 mars 2020 obtenus auprès de certains chefs de quartiers.
4.2 Collecte des informations par voie de témoignages
Sur le terrain, le collectif a entendu plusieurs témoins et des victimes objet d’atteinte et de violations des droits humains. Elle a également recueilli des témoignages indirects de parents, amis ou voisins qui ont assisté à des violations ou en ont eu connaissance.
En plus des témoignages individuels, la Commission a eu des témoignages collectifs de membres d’associations et de réseaux dont les activités sont en rapport avec son mandat, les autorités administratives et sécuritaires et les personnes ressources.
4.3 Visite des sites et lieux
Afin de mieux accomplir sa mission, le collectif ne s’est pas contenté de témoignages. Elle s’est rendue pratiquement dans tous les lieux et sites où il y a eu des morts, des destructions et incendies d’édifices publics et privés, de pillages de biens, des blessés, des vols…
Aussi, le collectif s’est rendu au camp militaire de NZérékoré ou les premières personnes arrêtées ont transité, dans les gendarmeries et les prisons où étaient détenues les personnes arrêtées et emprisonnées légalement ou illégalement. La
visite des prisons et des lieux de détention ont permis à la mission de s’entretenir sans témoin avec certains des détenus afin de connaître leurs versions des faits et de s’enquérir de l’état des conditions de leur détention.
La mission a également visité l’hôpital central de NZérékoré afin de recueillir les témoignages des blessés plus ou moins graves et aussi avec le personnel hospitalier pour avoir une idée précise sur les statistiques des victimes.
Elle a par ailleurs rencontré des personnes déplacées dans les villages voisins suite à ces violences post électorales, des leaders d’opinions fuyant les arrestations des forces de l’ordre ou des règlements de compte entre citoyens. Par ces visites de terrain, les enquêtes du collectif ont pu ainsi vérifier des informations sur des allégations de violations graves des droits de l’homme.
4.4 Les administrateurs et personnes ressources rencontrés
Certains responsables des forces de l’ordre comme le Commandant de la 4è région militaire, les Commandants de la gendarmerie départementale et de la police de NZérékoré, les élus locaux comme le Maire de la commune urbaine et les chefs de quartier de NZérékoré, le Directeur de l’hôpital Régional et des agents la santé de NZérékoré ont été rencontrés et entendus sur des faits précis.
5- CONTEXTE SOCIO-POLITIQUE ET JUSTIFICATION
Il faut rappeler que l’organisation des élections législatives et du référendum pour la mise en place dune nouvelle Assemblée Nationale et l’adoption dune nouvelle Constitution en République de Guinée ont été l’objet pendant des mois de vives contestations au sein de la classe politique et la société civile. D’où la création du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC). Il eut à cet effet de nombreuses manifestations politiques pour dénoncer et s’opposer à cette initiative du Président de la République qui pourrait être, selon les membres de ce front, un moyen de briquer un troisième mandat et ainsi se maintenir au pouvoir. Ce qui serait une violation de la Constitution de mai 2010. Cette résistance active des acteurs de la société civile et des partis politiques contre l’adoption dune nouvelle constitution en Guinée a causé la mort de plusieurs citoyens guinéens, les arrestations de plusieurs leaders de ce front et d’autres citoyens, des dégâts matériels et une baisse de l’activité économique dans le pays.
Ces élections reportées à trois reprises ont eu finalement lieu le 22 Mars 2020 malgré les appels de la communauté internationale pour que ces élections soient inclusives, crédibles et transparentes par la révision du fichier électorale et l’ouverture de couloirs de dialogue entre tous les acteurs politiques.
C’est pour dire, que ces élections nallaient pas se dérouler sans heurts ni violences parce que le FNDC disait empêcher coûte que coûte la tenue de ces élections et en même temps le Président de la République appelait ses militants à former des groupes d’auto-défense pour protéger les bureaux de vote et de frapper tout individu qui voudrait empêcher la tenue des dites élections.
Ainsi, le 22 mars 2020, les élections se sont tenues dans certaines villes de la Guinée dans la violence et le désordre.
Le cas de la commune urbaine de NZérékoré pris une autre tournure. Au lieu délections paisibles et apaisées, ce fut une journée plutôt caractérisée par des violences intercommunautaires causant des morts, des arrestations, des dégâts matériels importants.
La région de NZérékoré enregistre d’intermittents conflits avec une fréquence d’apparition quasi bisannuelle aussi bien dans les villes de la région que dans nombre de ses sous-préfectures. Cela témoigne de sa vulnérabilité au déclenchement récurrent de la violence entre les différentes composantes ethniques de sa population dune part et entre l’Etat et ses citoyens d’autre part. Elle est l’un des foyers de conflits sociaux et ethnico-religieux les plus récurrents du pays ayant des causes historiques, économiques, sociales et culturelles que viennent exacerber les tensions et manipulations politiques, qui sans cesse sont les causes des conflits post électoraux. Ces conflits ont souvent pour origine les rivalités intra et interethniques persistantes, l’affaiblissement de l’autorité traditionnelle dû à la suppression dès 1957 de la chefferie traditionnelle, l’instrumentalisation des couches ethniques et confessionnelles par les leaders politiques, le désœuvrement dune jeunesse parfois peu qualifiée au plan professionnel, la modification du code foncier domanial au temps du régime de Sekou Touré, les fraudes électorales. A cela nous pouvons ajouter, la présence dans la région dex combattants démobilisés provenant des foyers de guerres des pays voisins et des recrues militaires renvoyés des camps de Kaléya et de Kissidougou. Ces militaires démobilisés vivant dans la région, favorisent l’enlisement des conflits quand ils s’éclatent, entrainant de nombreuses pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants.
Cette situation de crise persistante est aggravée par les défaillances et dysfonctionnements des structures administratives et judiciaires qui ont pour corollaire la mauvaise gouvernance, la corruption, linjustice et la perte de crédibilité des structures étatiques.
La récurrence des ces conflits à caractère essentiellement intercommunautaire en Guinée forestière dune part et provenant des abus des régimes successifs d’autres part, engendrant des atteintes graves aux droits humains et contraire à la déclaration universelle des droits de l’homme, est de nos jours une préoccupation majeure pour nous ONG de défense des droits de l’homme.
Ce présent rapport porte sur les atteintes et violations des droits de l’homme nées des affrontements intercommunautaires pendant et après l’organisation des élections législative et référendaire du 22 mars 2020. Il servira de propositions à tous les acteurs en vue de nouvelles enquêtes plus approfondies, d’ouverture de procès, événement d’un état de droit, du respect des droits de l’homme, de mise en place éventuelle d’un programme de justice transitionnelle et pour la construction dune paix durable, gage de tout développement économique.
6- LES VIOLENCES DU 22 AU 24 MARS 2020 DANS LA COMMUNE URBAINE DE NZEREKORE.
6.1 Déroulement des évènements:
Du dimanche 22 au mardi 24 mars 2020, la commune urbaine de NZérékoré a connu des violences pendant et après le double scrutin législatif et référendaire du 22 mars 2020.
En effet, selon des informations concordantes, ces violences ont commencé dans le centre de vote qui était localisé dans lenceinte du Groupe Scolaire les Elites de Guinée (un centre composé de sep (7) bureaux de votes), sis au quartier Bellevue, dans la commune urbaine de NZérékoré, par des jets de pierre venant de groupes de jeunes non identifiés. Ces groupes de jeunes avaient pour intention de sopposer à la tenue de ce double scrutin dans leur quartier. Ce qui constituerait le point dachoppement et de départ des violences. Ces jets de pierre qui ont commencé aux environs de 12 heures auraient créés la panique au sein des électeurs présents dans ce centre de vote et auraient irrité dautres groupes de jeunes favorables à la tenue de ces élections, donc pour une nouvelle constitution..
Selon nos sources, le Gouverneur de la région, informé de la situation, serait venu sur place et aurait ordonné à des jeunes qui défendraient le centre de vote de repousser, frapper et arrêter tout individu qui viendrait perturber la tenue des élections. Cette injonction du Gouverneur serait le détonateur des violences et des altercations entre des citoyens favorables à la tenue des élections et des citoyens contre la tenue des élections et contre une nouvelle constitution.
Cest donc au cours de ces affrontements que le M. Tidiane Koné (Pharmacien) a trouvé la mort, la concession de M. Koïda et lhôtel Amazone ont été également incendiés.
La rumeur selon laquelle un iman a été tué et une mosquée incendiée à Bellevue et relayée par le Gouverneur de la région, Mohamed Ismaël Traoré, sur les médias na pas été confirmée par nos sources.
Cette déclaration du Gouverneur sur les médias, qui a été comme une trainée de poudre, n a-t-il pas été lélément catalyseur de la crise ?
De groupes dassaillants constitués de part et dautres de koniankés et de kpèlès vont saffronter devant limpuissance des élus locaux, des sages conseils des personnes ressources et des leaders religieux, et en violation de lesprit des pactes signés entre les communautés kpèlès et konians dans nombre de quartiers de la ville de NZérékoré.
Il est à constater que le retard dans lintervention des forces de défense et de sécurité pour sinterposer entre les belligérants a empiré la situation. Les affrontements se sont intensifiés au quartier Bellevue et se sont vite transportés dans dautres quartiers de la commune urbaine de NZérékoré comme : Dorota 1, Wessoua, Sokoura 1 et 2, Nakoyakpala, Boma, Gbanghana, Gonian 1 et 2, Horoya II, Kwitèyapoulou.
Malgré le couvre-feu instauré par les autorités préfectorales, il y a eu des actes de vandalisme, de vols à mains armées, et des coups de sommations toutes les nuits. Ces évènements violents se sont soldés par de nombreux morts, de blessés graves, de vols et de destruction de biens privés et publics.
6.2 Les visites de terrain :
Dans le but davoir une information équilibrée et de faire toute la lumière sur ces évènements tragiques et malheureux survenus à Nzérékoré, les équipes denquêtes se sont rendus dans les quartiers où il ya eu des violences afin de rencontrer et découter les victimes, les familles des victimes, les témoins. Aussi, les équipes ont rencontré les autorités administratives et militaires, les élus locaux et des personnes ressources. La forêt du 1er mai, où des corps ont été enfouis dans une fosse commune, a été visité par les équipes denquêtes.
6.2.1 Le quartier Bellevue
La concordance dans les déclarations des personnes (parents des victimes et victimes, témoins et chefs de quartier) touchées par lenquête confirme quasiment que les événements ont débuté dans le quartier Bellevue le 22 mars 2020 à partir de 14h et ensuite ont affecté dautres quartiers de la ville.
Le Groupe scolaire les Elites, Centre de vote où les violences ont débuté, quartier Belle – vue .
Selon un témoin de ce quartier, quand il y a eu jet de pierres dans le centre des bureaux de vote, au Groupe Scolaire les Elites, Monsieur le Gouverneur étant informé, sest rendu sur les lieux. Au terme de son adresse à la foule, il a fini par ordonner aux jeunes darrêter les gens qui ont jeté les pierres. Cest à partir de là que les jeunes malinkés se sont attaqués à leurs voisins kpèlès. Aussitôt, lhôtel Amazone et la maison de Koïda furent incendiés.
Le
D omicile de Mr Koïda, première maison incendiée selon les informations recueillies.
Le propriétaire de lhôtel Amazone (victime) raconte les circonstances dans les quels son hôtel a été incendié : « Je nétais pas présent dans mon hôtel au moment des faits, car je travaillais à la maison. Ce jour, comme je travaillais, jai envoyé mon fils et Antoine lami de mon gérant à lhôtel p our aller prendre des choses pour moi. Voici ce qui ma été dit. Q uand ils sont arrivés à lhôtel vers 13h, Antoine était arrêté auprès de la moto dehors en train de se ventiler par ce quil avait chaud. Cest là – bas les jeunes koniankés qui venaient de l école les Elites de Guinée où se trouvaient les bureaux de vot e lont trouvé. Ces jeunes se sont pris à lui, en laccusant dappartenir au groupe qui jetait les pierres sur les bureaux de vote. Au cours de cette discussion, mon gérant du nom de Maurice M amy , est sorti de lhôtel pour rassurer les jeunes que son ami venait darriver de la maison. Le gérant a profité en même temps de faire rentrer la moto dans la cour. Cest dans la discussion que les forces de lordre
sont arrivées et ont embarqué Antoine à bord de leur pick – up pour le déposer à la police. Cest à la suite que mon hôtel a été incendié et mon gérant tué. » .
Hôtel Amazone incendié , quartier Bellevue
Une autre victime raconte ce quil a vu et entendu ce jour: « Le jour du vote, jai fait la cuisine très tôt. Donc vers 11h, au moment que je mangeais avec mes enfants, nous avons entendu des bruits qui venaient de vers lé c ole le s Elit e s d e G uin é e o ù s e t r o u v aie n t le s b u r e a u x d e v o t e . Q u a n d n o u s s o m m e s s o r tis d e la m ais o n , jai v u d e s j e u n e s m alin k é s v e nir e n c o u r a n t, q ui disaient que des gens ont jeté des pierres au centre d es bureaux de vote. Ces jeunes malinkés ont donc commencé à jeter des pierres sur nos toits. Comme moi , jai des problèmes cardiaques, pour évit er que ça saggrave et vu la tension qui montait, jai donc demandé à mes enfants de fermer les portes pour aller nous refugier dans le village de Gallay e Cest de Gallaye que jai appris que lun de mes bâtiments a été in c e n dié . Ce s t q u a n d o n e s t r e v e n u d u villa g e q u e jai v u t o u s c e s b â tim e n t s in c e n dié s e t j ai a p p ris q u e m o n v oisin Tidi a n e a t r o u v é la m o r t d a n s c e s événements » .
Domicile du pharmacien Tidiane Koné tué.
Certaines victimes affirment aussi que leurs maisons ont été incendiées suite à la venue de jeunes lourdement armés à bord dun camion de marque Kia au carrefour de Bellevue Kpama. Ce groupe serait à lorigine de lincendie de magasins, de boutiques, dateliers et de concessions se trouvant dans la contrée. Armés, ils échangeaient des tirs avec des groupes de combattants qui leurs seraient hostiles. Ces jeunes scannaient « Pivi zéro ! On veut Tiégboro »
Nous avons aussi été informés de larrivée de Monsieur le Maire dans le quartier face à lappel incessant du chef de quartier de Bellevue. Sur les lieux, face à son incapacité de se faire écouter a aussitôt demandé laide de l’armée.
6.2.2 Le quartier Dorota I :
Le chef du secteur 9 de Dorota I témoigne :
« C e 2 2 m a r s 2 0 2 0 , j’entendais d e s c o u p s d e f u sils e t j e v o y ais u n e f u m é e envahissante vers le quartier Bellevue du haut de m on balcon et des attroupements d e pl u s d e 1 0 0 p e r s o n n e s . Jé t ais s u r p ris d e v oir notre q u a r tie r e n v a hi p a r d e s inconnus qui s’attaquaient t exclusivement aux biens des autres et à un lieu de culte , l Eglise Faussaire ».
Léglise Fausquaire de Dorota vandalisé e
Par ailleurs, les témoignages respectifs dun vieux sage malinké et dun iman de ce secteur renforcent davantage les versions du chef secteur en ces mots :
« C e s m alf r a t s n e s o n t p a s d e c e q u a r tie r .. . Ils vie n n e n t d e W é s s o u a o u d e Bellevue ».
Pour preuve, lImam soutien que neut été son intervention les dégâts perpétrés dans ce secteur seraient énormes. Grace à son interposition, il a sauvé la vie à deux personnes, une vieille femme de lethnie manon et un de ses petits-fils, dont le plus grand a été tué par les assaillants.
Il souligne également que les assaillants disaient :
« L es kpèlès ont tué leurs parents et ont brûlé leurs maisons à Bellevue donc, ils viennent pour se venger contre eux ».
Les déclarations de lImam ont été soutenues par ses voisins. Ces derniers ont félicité et encouragé cet iman dans ses efforts dinterpositions et dapaisement du conflit.
6.2.3 Les quartiers de Gonia I et II et Sokoura II :
Nombre des témoignages recueillis auprès des responsables des quartiers de Gonia I, II et de Sokoura I sont convergents. Ils attestent que les assaillants étaient des individus non identifiés, ambulant et armés qui vandalisaient, pillaient et tiraient sur ceux qui pouvaient manifester la moindre résistance. Parmi eux certains portaient au dos des appareils pulvérisateurs contenant de lessence à laide desquels, ils parvenaient à incendier facilement les maisons et autres édifices.
A Gonia I, le parent dune victime raconte les circonstances dans lesquelles son neveu, Etudiant en licence 3, est mort :
« Le lundi 23 mars, on est resté ici dans notre concession. Soudainement, ça criait dans tous les sens. Je voyais la présence de deux groupes de jeunes. Un premier groupe formé des malinkés et koniankés sur la route qui mène au village Zogoya et un second fo rmé des kpèlès habillés dans des habits traditionnels parés de fétiches du côté de léglise catholique de Gonian. Ces derniers, nous ont dépassés sans aucun incident et allaient affronter le groupe composé de malinkés et de konians, armés aussi de fusils d e chasse, de couteaux, gourdins, venus dailleurs. Cest à la suite des affrontements entre ces deux groupes dassaillants que mon neveu a eu une balle dans la poitrine. Il est venu me voir en toutes larmes et immédiatement, je lai amené à lhôpital où i l a succombé de ses blessures aux environs de 4h du matin ».
A Sokoura II, le président du conseil de quartier raconte :
« Ce jour 22 mars 2020, avant larrivée des urnes à 11h au centre de vote, il y a eu des jets de pierre dans la cour de lécole qui était un centre de vote. Grâce à mes investigations, quatorze (14) de ces jeunes gens présumés auteurs de ces actes ont été arrêtés et mis à la disposition des forces de sécurité. Les autres qui ont pu séchapper, se sont dirigés vers léglise Sainte Thérè se de Managboloye. En riposte, les jeunes recrutés par le RPG pour sécuriser les bureaux de vote, ont aussi jeté des pierres dans la direction où ces jeunes partaient. Vu lampleur des manifestations qui devenaient de plus en plus violentes, le bureau du conseil de quartier a demandé le renfort de la gendarmerie et de la police. Sur les lieux, les forces de lordre vont pourchasser dans tous les sens et arrêter des citoyens même dans leurs domiciles.
Face à cette situation, au lieu que les choses se calmen t, il y aura plus de dégâts, de pillages et de vandalismes et des morts dhommes . Ainsi, aux environs de 15 heures, on ne voyait que de la fumée montée dans les secteurs refugiés – terrain et Astaldi .»
Selon un autre membre du conseil de ce quartier :
« D ans ces deux secteurs, les malfrats avaient le même mode opératoire pour incendier les maisons. Mais ce qui a fait la particularité de Sokoura II est que les assaillants étaient composés des jeunes du quartier et dautres venus dailleurs et trois (3) don zos qui tiraient à bo ut portant sur des civils ».
Le p lomb des armes utilisées par des Donzos que les témoins ont montré.
Dans ce quartier, pour mieux soutenir nos informations nous avons rencontré un Imam et un élu local du secteur réfugié terrain du quartier Sokoura II.
Liman raconte sa version des faits :
« Le lundi, 23 mars 2020, aux environs de 14h, au moment que nous étions à la fin de la prière, nous avons entendu des coups de fusil. A la sortie de la mosquée, nous avons vu des jeunes malinkés pourchasser deux jeunes kpèlès. Quand je leur ai demandé que se passe t – il, ils mont dit que cest deux jeunes ont tiré sur des m alin k é s , d o n t u n e s t m o r t s u r pla c e d u n o m d e A b o u K a n t é, u n a p p r e n ti mécanicien. Jai demandé aux fidèles de fermer rapidement la mosquée et de rentrer chez eux. Après jai constaté la présence de deux groupes rivaux tous armés, c’est – à dire dun côté les jeunes malinkés et de lautre les jeunes kpèlès, qui se jetaient des pierres. Ce que je sais, les concessions incendiées nont pas été faits par les jeunes du quartier, ce son t des ge ns qui sont venus dautres quartiers. Le bilan que jai pu comptabiliser se présente comme suit : trois morts, dont deux malinkés ( Abou Kanté et Mohamed Doumbouya) et un kpèlè (Blaise Loua) et quatre concessions incendiées. Aucune mosquée ni d église na é t é incendiées dans notre secteur »
Quant à élu local: « Le lundi, 23 mars 2020, jétais assis dans mon magasin de commerce dans le q u a r tie r v e r s 1 1 h , jai a p e r ç u d e s f u m é e s q ui m o n t aie n t, p o u r m oi, c e s f u m é e s étaient dans un autre quartier. A midi, jai aperçu un donzo armé assis derrière une moto qui partait vers le secteur H e r m a n k ô n ô , j e lai e n c o r e v u r e p a s s e r e t p a r tir v e r s la ville . Q u elq u e s min u t e s après, jai encore aperçu deux autres jeunes donzos armés sur une même moto passer, mais sans se manifester. Cest comme si ces do n zos venaient se renseigner. La présence des donzos dans le quartier ma beaucoup inquiété, jai donc appelé Kanté, un leader malinké du secteur pour quon puisse prendre des dispositions, il ma rassuré que rien ne se passerait. Aux environs de 14h, quand la tension a commencé à monter, jai demandé aux j e u n e s d e s d e u x e t h nie s d e s e m o bilis e r p o u r la s é c u rit é d u s e c t e u r . Jai d o n c procédé à la répartition des jeunes dans les points stratégiques. Mais les jeunes mali nkés qui sont allés vers chez limam Sidibé ont été rejetés par dautres jeunes malinkés qui étaient là – bas. Quand jai été informé de cela, jai décidé de my rendre en personne. En cours de route, je les ai vus venir, jai donc profité les arrêter et les sensibiliser. Cest de là , jai constaté que la concession de Docteur Monè Cé était en feu , aux environs de 15h . Jai donc décidé daller voir. Arrivé sur les lieux, jai trouvé d e s j e u n e s m alin k é s là – b a s , j e le u r ai d e m a n d é p o u r q u oi ils o n t in c e n dié la concession de leur voisin. Cest de là quun iman ma dit que le gardien de Dr Monè Cé a tiré sur un jeune malinké, cest p ourquoi on a incendié sa maison. Sur les lieux, d e s j e u n e s m alin k é s o n t a t tir é m o n a t t e n tio n s u r la p r é s e n c e d e j e u n e s k p èlè s surexci t é s d u c ô t é d u s e c t e u r A S T A L D I . J e m e s uis r e n d u là – b a s a u s si p o u r le s sensibiliser. Aux environs de 17h, il y a un groupe de jeunes malinkés armés qui est venu de la ville, pour attaquer le quartier. Cest ce groupe qui abattait froidement des gens . Le bilan se présente comme suit : quatre (4) morts, deux (2) dans chaque groupe ethnique et trois (3) concessions incendiées. Aucune mosquée, ni d église na été touchée ici. ».
Le domicile de Dr Monè Cé Marcellin HABA, Vice-Recteur de lUniversité de NZérékoré, incendié au quartier Sokoura II.
6.2.4 Le quartier de Wessoua.
Au quartier Wessoua, une personne a été tuée, deux concessions et un bar ont été incendiés.
Une victime nous raconte son aventure en pleurant, car avoir tout perdu :
« Cé t ait v e r s 2 0 h q uu n g r o u p e d e j e u n e s s u r e x cit é s s o n t v e n u s d a n s n o t r e c o n c e s sio n p o u r la b r ûle r . N o s v oisin s m alin k é s s e s o n t o p p o s é s . Ils s e s o n t retournés et entre temps un groupe de jeunes de plus de cent (100) personnes sont venus à bord d un pick – up. Ils ont attaqués nos concessions et ont mis le feu. Jétais a v e c P a p u s , q ui e n t r e t e m p s a v ait p ris la f uit e , m ais il a é t é p o u r s uivi p a r le s assaillants et ils lont tué. Moi je me suis caché dans une toilette à même le sol, ce qui ma permis d échapper à la mort. Ces assaillants ne parlaient que konianké . La même nuit, ils ont attaqué et incendié le bar de ma sur Yalamon Kourouma q ue jai installée là pour quelle y gagne son pain. Je nai plus rien. Je venais de faire la récolte. Toutes nos g erbes de riz étaient encore entassées là, les documents de mon enfant, qui est un étudiant, les ustensiles de cuisine de ma femme, mes habits, tout a été brûlé. Ma femme est partie chez ses parents, je nai plus rien, plus personne pour me chauffer de lea u et me faire à manger ».
La concession incendiée dune victime à Wessoua
Dans la concession de Papus tué, nous avons constaté que deux motos ont été incendiées en plus de sa concession et tout son contenu.
Nous avons aussi recueilli des témoignages selon lesquels chaque fois quil y a des affrontements à Wessoua, la concession du Président du conseil est souvent attaquée par des jeunes mal intentionnés.
Le quartier de Nakoyakpala
Dans un rapport sur les violences du 22 au 24 mars 2020 présenté par le Conseil de quartier (dont nous avons copie), il a été signalé la présence de groupes dassaillants qui ont fait irruption dans le centre de vote de lUniversité de NZérékoré. Selon les autorités locales, ces assaillants ont demandé aux membres des bureaux de vote et les forces de sécurité présents de quitter les lieux. Tous pris de peur ont pris la fuite. Les malfaiteurs ont aspergé dessence tout le matériel électoral et les ont brulés. Il nous a été dit que deux agents (femmes) des forces de police ont été déshabillées et ont failli être violées. Aussi, le président du conseil de quartier a été frappé et dépossédé de son téléphone. Une femme qui envoyait sur les lieux le repas des membres des bureaux de vote a été frappée également et ses ustensiles de cuisine emportées ou saccagées : une brouette, deux (2) sceaux, une bassine, dix-sept (17) assiettes, trente (30) cuillères. Trente (30) planches de bois se trouvant au bord de la route et appartenant à la même femme ont été volées.
Au sein de luniversité des dégâts importants ont été causés: Un pick-up, un minibus de dix-huit (18) places et deux (2) motos ont été brulés. Les pare-brises de trois (3) voitures et dun autre mini bus ont été cassés, plusieurs ordinateurs emportés.
Dans le même quartier une femme a été atteinte au bras par une balle perdue tirée par des hommes en tenue militaire qui patrouillait dans le quartier.
6.2.6 Le quartier de Gbaghana
Dans ce quartier, il ny a pas eu de mouvements ou de pillage. Selon de nombreux témoignages concordants, un des hommes en tenue militaire a tiré a bout portant sur une femme et qui a trouvé la mort au moment sur le coup.
Voici le témoigne de son époux :
« M a f e m m e sa p p elait Wid o h B a m b a n é e e n 1 9 7 6 , elle é t ait u n e v e n d e u s e d e boissons al coolisées. D ans notre quartier il y avait de laccalmie, quand bien même q u e d e s j e u n e s q ui c o n s tit u aie n t d e s g r o u p e s da u t o d é f e n s e s a v ai en t é rig é d e s barrages dans le quartier. Soudainement, un contingent militaire est venu dans le secteur où nous sommes et a commencé à tirer en lair. Les jeunes qui avaient érigé des barrages ont pris la fuite. Quant à ma femme, elle était en train de ferme r son
bar au moment où les militaires qui étaient de passage ont tiré sur elle. Et elle en est morte sur le champ. Ces militaires empressés devant lacte, appelait leurs frères darmes en disant : Papus, papus, v iens vite, viens vite on va partir
Cétait le lundi 23 mars 2020 . »
6.2.7 Dans le quartier de Kwitèyapoulou
Dans ce quartier, il ny a pas eu de morts mais la concession dun citoyen, médecin de son état, a été complètement saccagée et des biens emportés.
6.3 La rencontre des autorités administratives 6.3.1 Rencontre du Directeur de lHôpital régional de NZérékoré
Léquipe sest rendue à lhôpital central de NZérékoré le lendemain de la nuit où des corps de victimes des évènements tragiques ont été enfuis dans une fosse commune dans la forêt du 1er mai situé à lentrée du quartier Horoya 1.
Les enquêteurs avaient pour mission de dénombrer le nombre de morts et de blessés qui ont été référés à lhôpital régional de NZérékoré. Il fallait à cet effet voir ces corps à la morgue et entendre certains blessés. Léquipe a donc rencontré le Directeur de lHôpital pour cet objectif. Ce dernier trouvera des excuses en disant quune commission est mise sur pied pour faire les statistiques fiables pour les besoins de la cause et donc on devrait revenir demain. Le lendemain ce fut le même discours. On ne put pas visiter la morgue, ni connaitre le nombre des morts et même voir des blessés car les autorités de lhôpital nous en ont pas donné lordre.
Cest à la suite que nous avons été informés par certains agents de santé et des personnes ressources bien informées que des corps des victimes ont été nuitamment enterrés dans une fosse commune.
La fosse commune où des corps ont été enfouis nuitamment dans la forêt du 1er mai.
6.3.2 Au camp de la 4ème région militaire, Beyanzin de Nzérékoré : Rencontre du commandant de zone. Nous avons rencontré le commandant de la 4ème région militaire de Nzérékoré, Colonel Mohamed Lamine Keita en présence du Lieutenant-colonel Tiégboro Camara, Secrétaire dEtat chargé de la lutte contre le crime organisé et de la drogue, et dautres cadres de larmée.
Lobjectif de la mission était de savoir si les personnes qui étaient arrêtées avaient transité par le camp militaire et qui sont les personnes arrêtés quon appelait des « mercenaires » et dont leurs photos avaient été diffusées à la télévision nationale et inondaient les réseaux sociaux.
Le commandant de la région a dit que toutes les personnes arrêtées à ce jour dit-il sont tous transférées à la gendarmerie. Il reconnait quils ont transité par le camp pour quelques jours.
A la question des mercenaires arrêtées, ils sont dune quarantaine, ils ont été aussi déférés à la gendarmerie a-t-il aussi confié à léquipe des enquêteurs. A cette heure nous avons appris que ces personnes étaient encore dans la prison du camp.
Le commandant de Zone a traité la quarantaine de jeunes comme des mercenaires. en ces termes :
« Ce sont des individus qui ont été payé pour commettre des assassinats ou at taqué la ville de NZérékoré. Environ un milliard de francs guinéens ont été rendu disponible par leurs comma nditaires à cet effet. Et mieux, ils s ont habillés en habits de fétiches et possédaient , des fusils des gourdins, couteaux, a rcs»
Selon nos informations, ce sont des jeunes de la communauté forestière qui ont été arrêtées. Des sources bien introduites indiquent que la plupart de ces jeunes ont été habillés dans des habits traditionnels au camp militaire de NZérékoré après leurs arrestations. Dautres, sources aussi affirment que certains dentre eux portaient des habits traditionnels parés de fétiches au moment de leurs arrestations.
Certains parents de ces victimes que nous avons pu interroger reconnaissent que leurs enfants ont été arrêtés mais disent que les habits traditionnels que leurs enfants portaient, sont des habits de protection contre les coups de fusils les évitant de mourir fasse à lennemi. Dautres disent que leurs enfants ne portaient pas des habits traditionnels pendant leurs arrestations. Ils ne sont donc pas des mercenaires disent-ils.
A la question de savoir si des Donzos ont été aperçus pendant leurs opérations de maintien dordre, le commandant de Zone dit de navoir ni vu ni entendu parler des Donzos sur les théâtres des affrontements intercommunautaires.
Mais de sources concordantes, de nombreux citoyens et des victimes affirment avoir vu des Donzos et dans des bureaux de vote et sur les théâtres des affrontements avec des fusils de chasse et des armes de guerre. Deux (2) donzos auraient été tués à Boma, dans la périphérie de la ville de NZérékoré. Cette information sur la présence des donzos à NZérékoré pendant cette période se confirme par la dernière déclaration du président de la chambre de commerce et de lindustrie de NZérékoré, Mr Makan Camara, qui dit avoir signé un contrat avec les Donzos pour la sécurisation du grand marché de NZérékoré.
Photo dun Donzo dans un bureau de vote à Bounouma recueillie auprès dune personne enquêtée.
6.3.3 A la gendarmerie départementale de NZérékoré : Rencontre du commandant de la gendarmerie, la situation des personnes interpellées et la visite des prisons de la gendarmerie et de la maison centrale.
La rencontre de léquipe denquête avec le commandant de la gendarmerie et subalternes avait pour but davoir le nombre des personnes détenus, les motifs et conditions de leurs détentions ainsi que la suite judiciaire réservée à leurs sorts. Les enquêteurs nont pas pu avoir la disponibilité du commandant de la gendarmerie mais il a désigné des agents qui se sont prêtés à nos questions.
De la situation des personnes interpellées et du constat sur les conditions de leurs détentions
Au titre des interpellations, au moins 127 personnes ont été arrêtées et conduit au camp de la quatrième Région Militaire avant dêtre mis à la disposition de la Brigade de Recherche de la Gendarmerie régionale de NZérékoré.
Après un tri selon des critères qui sont propres à cette Gendarmerie et qui ne repose sur aucune base du Code de Procédure Pénale, une bonne partie, soit 87 personnes de ces suspects ont été mis en liberté sans les présenter à un Procureur qui pouvait décider de lopportunité et de la légalité de la poursuite.
Au Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de NZérékoré, 38 personnes ont été présentées et contre lesquels des mandats de dépôt ont été décernés avant de communiquer les dossiers aux Juges dInstruction en charge des dossiers.
La situation des personnes interpellées se présente comme suit :
Nombre total des personnes arrêtées=127 ;
Total des personnes déférées=37
6.3.3.3 Des conditions de détention des personnes interpellées :
Nous avons constaté que plusieurs des personnes interpellées ont transité par la prison exiguë du camp militaire de NZérékoré dans des conditions inhumaines et dégradantes selon les informations recueillies auprès de certains détenus. Dans la prison de la gendarmerie départementale de NZérékoré, nous avons constaté que des prisonniers avaient fait deux jours sans manger ni boire de leau fraiche. Ils étaient plus de 50 par cellules gisant dans les excréments sur un sol humide et propice aux maladies. Surtout en cette période durgence sanitaire contre le Covid19. Les enquêteurs ont constaté quun détenu était gravement malade et demandait de laide mais en vain. Ils ont avons aussi vu des prisonniers torses nus, mangeant des repas fades, insuffisants et dans une incommodité indescriptible. Des repas servis à même le sol sans aucune mesure dhygiène.
6.3.4 Létape du Tribunal de Première Instance de Nzérékoré
Au Parquet du Tribunal, le Procureur a fait savoir quil a déjà saisi le pool des juges dinstruction à travers un réquisitoire introductif, donc de se référer au pool.
Au niveau du pool des juges dinstruction la situation des détenus se présente comme suit :
• Total des personnes inculpées=55 ;
• Total des personnes détenues= 43 ; • Total des personnes en fuite= 11 ; • Total des personnes libérées=01(mineur) ;
Voici la liste totale des détenus fournie par le juge d’instruction.
1- Antoine Thea 2- Cécé Jérôme Zogbèlèmou (libéré, mineur) 3- Pierre Doré 4- Moriba Mahomou 5- Foromo Zogbèlèmou 6- Fassou Haba 7- Alexis Haba 8- Fassou Loua 9- Prince Koulemou 10- Nèma Soua Kolié 11- Fassou Loua 12- Nfaly Cissé 13- Jean Balamou 14- Kalil Keita 15- Mamady Keita 16- Jules Monèmou 17- Yakpaoro Théoro 18- François Thea 19- Nyéréké Saoromou 20- Joseph Thea 21- Eric François Thea(en fuite) 22- Bangaly Thea(en fuite) 23- Siba Pivi 24- Fassou Goumou 25- Cécé Thea( en fuite) 26- Cécé Loua(en fuite) 27- Sekouba Loua (en fuite) 28- Job Lucas Kpoghomou(en fuite)
29- Mamadou Maladho Diaouné (en fuite) 30- Moise Haba (en fuite) 31- Bangaly Thea (en fuite) 32- Noé Lamah 33- Alpha Thierno Barry(en fuite) 34- Djiba Koné( en fuite) 35- Elisé Sagno 36- Moussa Kolié 37- Fassou Loua 38- Oumar Keita 39- Cécé Moussa Kpoghomou 40- Ibrahima Koné 41- Omè Gbanamou 42- Joseph Kolié 43- Gerard Loua 44- Simon Pierre Mahomou 45- Moriba Thea 46- Vieux Parala Doré 47- Simon Pierre Guilavogui 48- Derrick Kolié 49- Nyankoye Loua 50- Apollinaire Loua 51- Fidel Nawa Damé 52- Jean Lamah alias Body gard 53- François Kolié alias Messe Bôlô 54- Moriba Kelvin Gamy 55- Nyankoye Kolié
Les détenus ont été catégorisés en onze (11) dossiers selon les infractions.
Voici les détails :
– Participation délictueuse à un attroupement=13 ;
– Participation délictueuse à un attroupement, détention, port et utilisation illicite darmes légères et de leurs munitions=03 ; – Vol, incendie volontaire et menace de mort=06 ; – Incitation à la violence, complicité de meurtre, coups et blessures volontaires, destruction dhabitations et de lieux de culte, meurtre, destruction et incendie volontaire=12 ; – Port et utilisation darmes légères et leurs munitions=11 ; – Atteinte involontaire à la vie=01 – Association de malfaiteurs, détention darmes légères et munitions et troubles à lordre public=05 ; – Vol=01 ; – Enlèvement de personne=01 ; – Complicité dassassinat, dincendie volontaire dédifices privés=01 ; – Incendie volontaire et meurtre=01
En ce qui concerne le transfert nocturne des détenus de Nzérékoré pour Kankan, le Procureur près le Tribunal de Première Instance dit ceci :
« Cest sur instruction du Procureur Général et du premier Président de la Cour dAppel de Kankan de délocaliser linstruction et éventuellement le procès à Kankan, pour des mesures de sécurité, de lordre social et pour éviter la réplétion de cette c ris e à Nz é r é k o r é . J e v o u s in f o r m e q u e ce s t p a s u n t r a n s f e r t, ce s t j u s t e u n e délocalisation, car cest le même pool des juges dinstruction qui va se déplacer pour aller instru ire le dossier à Kankan »
Quant au Juge dInstruction il dit :
« N ous navons pas été associés à cette décision. Pour preuve, cest ce matin que n o u s a v o n s a p p ris la n o u v elle d e le u r t r a n s f e r t. Q u a n d n o u s a v o n s d e m a n d é Monsieur le Procureur, il nous a dit que cest pour des raisons de sécurité quils ont p ris c e t t e d é cisio n . M ais j e p e n s e bien n q u e le s d é t e n u s s o n t plu s e n s é c u rit é à Nzérékoré qu’à Kankan. En plus, je ne sais pas comment les par t ies civiles et les témoins seront entendus par le pool. »
Ils sont inculpés entre autres de participation délictueuse à un attroupement, détention, port et utilisation illicite d’armes légères et de leurs munitions, de vol, d’incendie volontaire, de menace de mort, d’atteinte involontaire à la vie, d’incitation à la violence, complicité de meurtre, de coups et blessures volontaires, destruction d’habitation et lieux de culte, de meurtre, d’association de malfaiteurs, de troubles à l’ordre public, d’enlèvement de personne et complicité d’assassinat.
6.3.5 La rencontre du Maire de la commune urbaine de NZérékoré
Léquipe denquête a eu un entretien avec Mr le Maire de la commune urbaine de NZérékoré, Mr Moriba Albert DELAMOU, le 26 mars 2020 sur les événements dans son bureau. Il donne sa version des faits :
« A vant le jour du scrutin législatif et référendaire du 22 mars 2020, il avait ordonné aux secrétaires généraux des vingt – quatre (24) quartiers de NZérékoré de mettre en place des comités de patrouille et de veille composé de toutes les ethnies de chaque quartier. Cela pour aider à sécuriser la ville avant, pendant et après les élections. Jétais malheureusement fort étonné, dapprendre quil y avait des affrontements ou des violences ce 22 mars 2020, jour des élections dans les quartiers de Nakoyakpala et de Bellev ue. Aussitôt, jai informé le Gouverneur de la région et je me suis rendu immédiatement a u c a m p d e la 4 ème R é gio n Milit air e e n v u e d e p r e n d r e d e s dispositions urgentes pour éviter lirréparable.»
Dans cette même journée, il déclare :
« J ai vu un groupe dassaillants venant de Nakoyakpala, habillés et ornés de fétiches qui allaient vers le centre de la ville. Ce groupe dassaillants sera bloqué par les forces de lordre et il y aura un affrontement tendu et sanglant au cours duquel le chef de fil du gro upe des assaillants sera tué. Et les autres prendront la fuite. »
Il poursuit :
« Le lundi 23 mars 2020, suite à lappel intensif du chef de quartier de Bellevue, jai fait une descente sur les lieux avec une des équipes de renfort venu de Kankan et de Ki ssidougou, ainsi que celle du Colonel Tiégboro CAMARA pour mettre de lordre dans le quartier de Bellevue » .
Dans ce même témoignage, il confirme que les jeunes présents sur les lieux criaient « Pivi zéro, envoyez Tiégboro ».
Mais, à travers les gaz lacrymogènes, les jeunes qui saffrontaient se sont dispersés dit-il.
Par ailleurs, sur la question relative à la présence des Donzos à NZérékoré, Monsieur le maire, a résumé ces propos en ces mots :
« Oui, je suis informé de la présence des Donz os au grand marché de NZérékoré . Mais, cest sur linitiative de la chambre préfectorale de commerce ».
Face à la question de qui relève la gestion du grand marché de NZérékoré, le Maire répond :
« Oui, la gestion des marché s relève de la commune mais, quant à la gestion des commerçants et la garantie de leurs marchandises et autres biens, cest la chambre de commerce qui sen occupe ».
Il ajoute ensuite que la chambre préfectorale de commerce lui a adressé une correspondance à cet effet :
« La chambre préfectorale de commerce a adressé un courrier à la commune auquel é t ait j oin t u n e c o pie d u c o n t r a t e n t r e la c h a m b r e e t le s c h a s s e u r s t r a ditio n n els (Donzos), portant sur la sécurisation du grand marché de NZérékoré ».
Il souligne que le Président de ladite chambre lui a dit que ces chasseurs traditionnels sont une corporation agréée en République de Guinée et en conséquence les Donzos ont les mêmes attributions que les sociétés de gardiennage.
La mission denquête na pas pu avoir ni la copie du contrat encore moins la copie de lagrément des Donzos. Ce qui pourrait présager la complicité de la commune dans la présence des Donzos à NZérékoré. En ce sens que la sécurité des citoyens et de leurs biens relève de la responsabilité de lautorité communale et de sa tutelle hiérarchique.
6.3.6 Quant à la rencontre du préfet et du Gouverneur de NZérékoré.
Le préfet de NZérékoré, qui venait dêtre muté dans la région, na pu être rencontré. Ce fut également le cas pour le gouverneur de la région, M. Mohamed Ismael TRAORE, quand bien même que ce dernier, a été accusé par plusieurs citoyens et leaders dopinions pour des faits de violations des droits de lHomme.
Aussi, les déclarations du Gouverneur sur les ondes des radios en disent long sur sa position et le rôle joué dans la gestion de cette crise.
6.3.7 Rencontre de Mr Jefsone DAMEY, président du Comité Préfectoral de la Croix Rouge « Le Comité Préfectoral de la Croix rouge de Nzérékoré nétait pas sur le terrain pendant les événements du 22 au 23 mars 2020. Suite à laccusation que le FNDC avait porté sur la croix rouge guinéenne par rapport à la gestion des blessés et morts des manifestations politiques, nous avons reçu des instruction s qui nous interdisaient dintervenir désormais sur le terrain. Cest donc le service de la protection civile qui était sur le terrain pendant ces événements » nous a-t-il confié Mr Jefsone.
6.3.8 Rencontre du Pasteur Franco MALOMOU, Secrétaire Général de lAEMEG (Association des Eglises et Missions Evangéliques de Guinée)
« Nous navons pas vécu les faits sur le terrain, mais malheureusement, nous avons été victimes. LAEMEG a enregistré au total 4 églises dont certaines incendiées et dautres saccagées . Ces églises sont : lEglise Protestante Evangélique de Dorota et lE glis e B e t h el I n t e r n a tio n al o n t é t é in c e n dié e s . LE glis e F o s q u air e e t lE glis e Ambassade du Christ ont été saccagées » .
Quant aux commanditaires de lincendie de ces Eglises, les pasteurs que nous avons rencontrés nont pu donner de noms. Mais ils disent que de nombreuses personnes armées de gourdins, de bâtons de pioches et dessence avaient envahi la cour de lEglise. Ils disent aussi avoir fait appel aux autorités administratives et aux forces de lordre, mais en vain, ils nont pas eu de secours.
« Et nous avons vu lEglise qui avait pris feu » conclut le pasteur.
Photos de lEglise Protestante Evangélique de Dorota, saccagée et incendiée
7- LES CONSTATS DES ENQUETEURS SUR LE TERRAIN
Au rang des constats sur le terrain, les enquêteurs ont fait les constats suivants : – Un conflit politique qui sest transformé en violence inter communautaire ;
– Les deux quartiers Bellevue et Sokoura II ont été fortement touchés par ce conflit ; – La faiblesse des autorités administratives et des forces de défense et de sécurité quant à la sécurisation du processus électoral, du maintien de lordre public et de la sécurisation des citoyens et de leurs biens ; – Lusage des armes à feu par les citoyens contre dautres citoyens – Lusage des armes de guerre par des Forces de Défense et de Sécurité contre des citoyens à la place des armes conventionnelles pour le maintien dordre; – La détention dans le camp militaire de NZérékkoré, des citoyens interpellés ; – Lindifférence remarquée des autorités civiles et des forces de défense et de sécurité dans le rétablissement de lordre et la protection des citoyens, ainsi que de leurs biens au début des affrontements; – Le déploiement tardif des forces de défense et de sécurité sur le terrain, leur nombre insuffisant, et leur partialité dans lexercice de leurs missions régaliennes ; – La présence dex-combattants et des chasseurs traditionnels, communément appelés des « donzos » qui commettaient aussi des exactions ; – La présence des individus habillés de vêtements traditionnels ornés de fétiches; – La détention des armes et munitions (fusils de chasse calibre 12 et fusils de guerre) par des citoyens; – Des maisons, des boutiques, des bars et des hangars de commerce vandalisés, saccagés et incendiés ; – Des lieux de cultes, notamment des églises profanées, vandalisées, saccagées et certaines incendiées; – Des engins roulants (véhicules, motos, etc.) et autres biens mobiliers emportés, détruits, brulés ; – Des blessés graves ; – Des cadavres; – Des personnes brulées ; – Le dressage des barrages ; – La non-assistance des citoyens en danger (des citoyens en danger ont témoigné avoir demandé laide des forces de défense et de sécurité mais en vain.) nous pouvons citer par exemple le cas du quartier Sokoura I, où un contingent militaire de cinq (5) pick-up a refusé de mettre au moins cinq (5) militaires à la disposition dun groupe dautodéfense en danger. – Plusieurs citoyens déplacés ; – La présence dune fosse commune dans la foret du 1er Mai ; – Des groupes dassaillants mobiles, qui commettaient des exactions de toutes sortes de quartiers en quartiers. Ces groupes dassaillants mobiles possédaient des armes blanches (des barres de fer, machettes, pieds de biche, ciseaux, couteaux, des pulvérisateurs, des armes à feu…) Ces groupes dagresseurs
avaient pour mode opératoire, lutilisation des pulvérisateurs remplis de liquides inflammables à travers lesquels ils incendiaient des concessions et églises ; – Des groupes dindividus habillés de vêtements parés de fétiches qui commettaient des exactions ; – Certains citoyens distribuaient des armes de guerre et leurs munitions à dautres citoyens
Il nous a été aussi rapporté la présence dans plusieurs quartiers des groupes dautodéfense constitués de différentes ethnies, mais qui par endroit, étaient débordés par les assaillants. Tel a été le cas dans le quartier Sokoura I, où les assaillants ont eu raison du groupe dautodéfense qui na pas pu empêcher lassassinat de leur collègue et voisin Jean Lamah communément appélé Jeannot Vert.
8- LE BILAN HUMAIN ET MATERIEL DES AFFRONTEMENTS DU 22 AU 24 MARS 2020
A la suite des enquêtes menées dans les quartiers de la commune urbaine de NZérékoré, voici les statistiques des cas de morts, de blessés, dédifices incendiées et autres biens… selon le tableau ci-dessous :
N° Quartiers Personnes tuées
Personnes blessées
Edifices incendiées, détruites, vandalisées et engins roulants
Personnes arrêtées
1- Bellevue
09 morts 03 Disparus
51
Total 61 dont 45 concessions et 16 boutiques, salons de coiffure, ateliers et autres installations (groupes électrogènes) 3 véhicules 06 motos
127 pour tous les quartiers de la Commune urbaine de NZérékoré
2- Sokoura II 14 32 Total : 09 dont 06 concessions, 01 boutique et 02 salons de coiffure, 01 moto 3- Gonia I 2 4 4- Gonia II 0 24 03 concessions 5- Dorota I 1 02 concessions et 4 Eglises 6- Gbangana 1 7- Sokoura I 4 8- Boma 4 15 9- Kwitéyapoulou 0 1 1 concession 10 Wessoua 1 2 3 concessions, deux motos Totaux 36 129 83 bâtiments 127
Au niveau du bilan des affrontements, nous avons fait une classification en trois grandes catégories. Ce sont :
8.1 Le bilan humain
La gestion de la crise par les autorités administratives na pas permis à notre équipe davoir le nombre exact des morts. Après beaucoup de tentatives auprès des autorités sanitaires à travers la Direction générale de lhôpital Régional de Nzérékoré, nous navons pas pu avoir le bilan médical. Par contre, au cours de nos enquêtes, nous avons pu enregistrer auprès des familles des victimes environs un total de 36 morts et une centaine de blessés.
8.2 Le bilan matériel
Selon les différents rapports obtenus auprès de certains chefs de quartiers, le bilan matériel se présente comme suit :
Nombre des lieux de culte endommagés : 4 églises, dont deux (2) incendiées et deux (2) autres saccagées, zéro mosquée ;
Les concessions incendiées : trente-neuf (39) concessions ont été incendiées et une vingtaine dateliers de couture, de salons de coiffure, des dépôts de boissons et boutiques de commerce ;
Engins roulants : dix(10) motos calcinées et neuf(9) véhicules endommagés et calcinés ;
8.3 Le bilan des personnes interpellées
Au niveau de la Brigade de recherche de la Gendarmerie Régionale de Nzérékoré, le nombre des personnes arrêtées est de 127 dont 37 personnes déférées.
9- LES FAITS ET VIOLATIONS DES DROITS DE LHOMME AU COURS DE CES AFFRONTEMENTS
La Déclaration Universelle des Droits de lHomme en ces articles 3 et 5 respectivement disposent que :
« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la s ûreté de sa personne. » , « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »
De même, larticle 6 alinéas 1 de la Constitution guinéenne de mai 2010 dispose : « Lêtre humain a droit au libre développement de sa personnalité. Il a droit à la vie
et à lintégrité phy sique et morale ; nul ne peut être lobjet de tortures, de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants »
Au titre des faits qui ont caractérisé les atteintes et violations des droits humains, les enquêteurs ont enregistré les cas datteintes et de violations des droits humains suivants :
9.1 La violation du droit à lintégrité physique (article 6 de la constitution guinéenne) à travers les violences physiques (cas de bastonnades, de blessures, de répressions…),
9.2 La violation du droit à la vie : les meurtres, assassinats de citoyens par des assaillants et par des forces de défense et de sécurité.
9.3 La violation du droit à la sécurité des biens et services : Incendie et destruction des édifices publics et privés (concessions ou bâtiments privés et leurs contenus, boutiques, motos, voitures, dépôts de boissons, lieux de cultes).
9.4 La violation du droit à la liberté : Les arrestations arbitraires et des détentions illégales des citoyens.
9.5 La violation du droit des prisonniers à un traitement humain : Les conditions dégradantes et inhumaines des détenues dans les prisons. Les prisons visitées contenaient une pléthore de détenus vivant dans des conditions très précaires loin des standards internationaux.
9.6 La violation des textes de loi et conventions en matière des droits humains
9.7 La violation du code de procédure pénale guinéen
LArticle 9 du code de procédure pénale guinéen stipule: «
L a p olic e j u diciair e recherche les crimes, les délits et les contraventions, en rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux chargés de les punir. Lorsquune information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions dinstruction et défère à leurs réquisitions ».
La mise en liberté par la Brigade de Recherche de la Gendarmerie Départementale des 87 personnes suspectes sans être présentées à un Procureur de la République pour juger de lopportunité et de la légalité des poursuites est une violation frontale de la disposition susvisée.
9.8 La violation du délai de garde à vue :
LArticle 77 du code de procédure pénale guinéen dit : « Si, pour les nécessités de lenquête, lOfficier de Police Judiciaire est amené à garder à sa disposition une ou plusieurs personnes contre lesq uelles existent des indices de culpabilité, il ne peut les retenir plus de quarante – huit heures. Le Procureur de la République peut accorder la u t o ris a tio n d e p r olo n g e r la g a r d e à v u e du n n o u v e a u d élai d e q u a r a n t e – huit heures, à lissue duquel les personn es ainsi retenues devront être immédiatement conduites devant lui ».
Le Collectif a constaté avec amertume que toutes les personnes quil a identifiées dans les différentes arrestations ont au moins fait quatre (4) jours entre la prison du Camp militaire et la Gendarmerie sans aucune autorisation de prolongation du Ministère Public représenté par le Procureur de la République.
9.9 La violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
LArticle 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques note : « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une p rotection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
Au regard de cette disposition internationale, les autorités de poursuite composées essentiellement des Forces de Défense et de sécurité ont dirigé les arrestations contre un seul groupe ethnique antagonique qui sont les seuls détenus à 99% à la maison darrêt de NZérékoré. Pour preuve voir liste susmentionnée.
Cette attitude constitue donc une violation manifeste de cette disposition conventionnelle.
10- RECOMMANDATIONS
Dans le but de maintenir la cohésion sociale, de favoriser un développement socioéconomique durable de nos communautés et lutter contre les atteintes et violations des droits de lhomme, le collectif des ONG de défense des droits de lhomme a fait les recommandations suivantes :
10.1 Autorités Politiques et Administratives
– Prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les autorités compétentes mènent des enquêtes sur les allégations de violation des droits humains afin que les présumés auteurs soient identifiés et punis à laune de la gravité des préjudices physiques et moraux subis par les victimes ; – Appliquer la loi sans distinction ; – uvrer davantage dans la poursuite de la réforme des forces de défense et de sécurité ; – Inviter les autorités judiciaires à observer le principe dimpartialité et dindépendance dans lexercice de leurs fonctions. – Demander aux autorités à tous les niveaux dobserver le principe de séparation des pouvoirs. – Créer une commission de crise promouvant la réconciliation en vue de restaurer la paix et la cohabitation durable ; – Prendre des dispositions adéquate dindemnisation de toutes les victimes sans aucune discrimination ; – Mettre en place un programme de désarmement dans la région de NZérékoré ; – Servir le pays dans la loyauté et dans une impartialité totale en donnant force à la loi et non à lhégémonie dune ethnie ; – Faciliter laccès à linformation des organisations de défense des droits de lhomme pour les besoins de la cause ; – Mettre en application effective larsenal juridique national et international garantissant les droits de lhomme et les libertés fondamentales ; – Se garder de singérer dans les affaires judiciaires en raison du principe de séparation des pouvoirs qui constitue une garantie dun Etat de droit ; – Prendre toutes les mesures appropriées pour une garantie de non-répétition : – Prendre toutes les dispositions afin que les donzos, chasseurs traditionnels, restent comme tels donc exempte de toute prérogative de sécurisation ou de protection civile.
10.2 Aux forces de défense et de sécurité – Agir à temps et à contre temps dans le maintien dordre public surtout en cas de nécessité; – Faire preuve dimpartialité, de responsabilité et de professionnalisme dans le processus dinterpellation des citoyens en évitant lusage abusif des armes ; – Accepter de communiquer avec les organisations de défense des droits de lhomme ; – De prendre toutes les dispositions nécessaires afin de mettre hors détat de nuire toutes les personnes responsables des assassinats, des destructions de biens publics et privés et de vandalismes sans distinction aucune ; – De mener des enquêtes crédibles et impartiales sur les allégations de violation des droits humains afin que les présumés auteurs soient identifiés, traduits en justice et punis à la hauteur de la gravité des préjudices physiques et moraux subis par les victimes ; – De démanteler et darrêter les groupes dassaillants et de rebelles qui sèment la terreur et la désolation quand les conflits éclatent.
10.3 Aux autorités judiciaires
– Approfondir les enquêtes dans le but de retrouver et arrêter les présumés auteurs de ces crimes odieux ainsi que leurs complices et commanditaires ; – Organiser un procès juste, transparent et équitable car en la justice seule les victimes trouveront leur soulagement ; – Faire des enquêtes approfondies dans les quartiers qui ont été des théâtres des conflits en vue didentifier les groupes dassaillants qui commettent des crimes et dégâts matériels pendant les événements ; – Veiller à lapplication effective et constante des dispositions légales relatives aux droits de lHomme et aux libertés fondamentales notamment les délais de garde à vue et de détention préventive ; – Se mettre à labri de toute tentation notamment le pot-de-vin qui aveugle lesprit de discernement inéluctable pour tout jugement objectif. – Elargir les investigations judiciaires pour détecter et arrêter les commanditaires et auteurs des crimes odieux commis. – Juger avec célérité dans la plus grande indépendance et impartialité les personnes accusées dans le respect de la présomption dinnocence.
10.4 A la société civile
– Exercer le lobbying dans la neutralité, lindépendance dans lobjectivité vis-à-vis des autorités politico-judiciaires pour une justice effective et équitable pour tous. – Aider la Justice à mieux faire son travail par la dénonciation des présumés auteurs et complices de ces crimes.
– Faire la promotion de la paix en initiant de véritables processus de réconciliation au niveau de la région.
10.5 Aux organisations nationales et internationales de défense des droits de lHomme et à la communauté internationale
– A la communauté internationale, nous recommandons lenvoie en Guinée forestière dune commission denquête internationale pour que la lumière et toute la lumière soit faite sur cette violence intercommunautaire pour éviter à cette région le scenario du génocide rwandais.
– A toutes les organisations nationales et internationales de défense des droits de lHomme à simpliquer davantage dans un processus de stabilisation de la cohésion sociale et daccompagnement des victimes en quête de justice.
– De mettre en place un programme de justice transitionnelle pour la région de NZérékoré, en vue de la vérité, de la justice, des approches de réparations aux victimes, des processus de réconciliation, ainsi que des procédés détablissement des responsabilités criminelles et des garanties de non-répétition.
10.6 Aux bureaux des conseils des quartiers
– Mettre en place un programme de sensibilisation et de réconciliation des citoyens en vue dun renforcement de la cohésion sociale et de la paix durable ; – Mettre en place un comité mixte de suivi des pactes de non-agression entre les ethnies pour une garantie de non-répétition des conflits en Guinée forestière ; – Faire usage des mécanismes traditionnels de prévention et de résolution des conflits.
10.7 Aux citoyens de la région en général et de la préfecture de NZérékoré en particulier :
– Avoir confiance aux autorités judiciaires pour faire entendre leurs causes devant elle au cas échéant se faire assister des défenseurs des droits de lhomme ; – uvrer efficacement pour la promotion de la paix ; – Ne pas recourir à la violence dans la réclamation de ses droits ; – Faire preuve de responsabilité dans la revendication de ses droits conformément aux dispositions de larticle 9 de la constitution de mai 2020 qui déclare : « Tous ont le droit imprescriptible de sadresser au juge pour faire valoir leurs droits face à lE t a t e t s e s p r é p o s é s . T o u t e p e r s o n n e a c c u s é e du n a c t e d élic t u e u x e s t présumée innocen te jusquà ce que sa culpabilité ait été établie au cours dune
procédure conforme à la loi. Tous ont droit à un procès juste et équitable dans lequel le droit de se défendre est garanti »
– Sabstenir de recourir souvent à des destructions des édifices publics et privés lors des manifestations ;
Cest pourquoi, à la lumière de tout ce qui précède le collectif des organisations de défense des droits de lhomme, dénonce et condamne tout recours à la violence et à la vengeance. Par la même occasion, invite les communautés kpèlè et konia et leurs leaders respectifs au dialogue inclusif et à lacceptation de tous dans lintérêt de tous pour le développement de la région de NZérékoré.
11- LES DIFFICULTES RENCONTREES
Le Collectif, au cours de la réalisation de cette enquête, a rencontré de multiples difficultés :
– Difficulté daccès aux personnes interpellées dans la prison du camp militaire de NZérékoré, les détenus dans la prison de la gendarmerie et de la maison darrêt ; – Accès aux informations auprès des autorités sanitaires pour lobtention des statistiques sur les morts et des témoignages des blessés alités à lhôpital régional. – Méfiance de certains citoyens de donner des noms de personnes auteurs de tueries, dexactions, de vandalisme, dincendies, de vols et pillages ; – Insuffisance de moyens financiers pour approfondir cette enquête, accompagner les victimes pour assistance juridique et judiciaire – Insuffisance de moyens logistiques.
12- LES PERSPECTIVES – Le Collectif projette de faire le suivi des dossiers en instruction en collaboration avec les avocats qui vont se constituer pour une bonne application de la loi en vue de combattre limpunité et solliciter une justice effective et équitable pour les victimes. – Soumettre un projet denquête et de documentation sur les violations des droits de lhomme en Guinée forestière et dassistance juridique et judiciaire pour les victimes en quête de justice auprès des institutions en charge des questions des droits de lhomme.. – Mettre en place des cellules de veille sur les violations des droits de lhomme en Guinée forestière.
13- LES REMERCIEMENTS : – Au Conseil Supérieur de la Diaspora Forestière (CSDF) pour son soutien financier à cette enquête ; – Aux bureaux national et régional des ONG du collectif de défense des droits de lhomme en Guinée forestière ; – Aux personnes de bonne volonté pour leur appui à la réussite de cette enquête.