«Là où se faufile sournoisement le non-droit comme arme des puissants s’annonce et s’affiche avec audace le droit comme arme des faibles.» (Auguste MAMPUYA KANUNK’a-TSHIAB)
On entend de plus en plus parler de « sanctions ciblées » que l’Union européenne menace de prendre unilatéralement contre des autorités guinéennes pour violations de droits de l’homme et des principes démocratiques.
Une observation très banale, dans les relations internationales, inter-étatiques, les mesures, y compris les sanctions, sont régies, non par la volonté unilatérale d’une partie, aussi puissante soit-elle, mais par le droit international volontairement et conventuellement acquises.
Même les sanctions justifiées par la violation du droit international, sont organisées, non par unilatéralisme mais par un système multilatéral dans le cadre de ce qui est appelé « la sécurité collective ».
Elle est aussi strictement encadrée, dans la forme et le fond, par le même droit international.
Des « sanctions », au sens du maintien de la paix et de la sécurité internationales, que prétendrait prendre unilatéralement une organisations internationale autre que l’ONU, sans que ce soit par le Conseil de sécurité ou sur son autorisation, sont simplement contraires à la Charte et, donc, illégales. Ces « sanctions » ne sont que des politiques de force ou manifestations des puissances dans le but d’imposer des intérêts égoïstes.
Tout recours à la menace ou a l’utilisation de la force ne peut être que de simples actes d’agression ou de violation de la souveraineté de la Guinée considéré comme victime.
Nous reconnaissons que les sanctions sont des composantes essentielles de tout système juridique, parce que sur elles repose l’efficacité des normes et des obligations qui le composent. De façon générale, la sanction est la conséquence attachée à la violation d’une obligation ou d’une règle de droit. Elle n’est pas forcément une punition parce qu’elle peut simplement, sur le plan civil, consister en la réparation du dommage causé du fait de la violation d’une règle ou du non-respect d’une obligation.
Mais il faut rappeler aussi que c’est pour éviter que le recours à la force soit un moyen de faire la politique internationale que les Etats ont mis en place un dispositif destiné à faire en sorte que la force soit exercée, non plus par la victime unilatéralement, mais par la communauté des Etats dans son ensemble, contre celui qui violerait ses engagements internationaux.
Il faut rappeler qu’après la deuxième guerre mondiale, le souci de mettre fin à la justice privée avait atteint son paroxysme. Les représailles armées unilatérales commençaient à être regardées comme des atteintes à l’ordre mis en place par les Etats. C’est ainsi que, dans les dispositions de l’article 24.1 de la Charte, les Membres de l’ONU ont conféré «au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu’en s’acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom ». Ce qu’on peut considérer comme le choix de la substitution de l’unilatéralisme au multilatéralisme. Cette exigence fait du Conseil de sécurité, le seul gendarme de la paix et de la sécurité internationales.
Même si une autre organisation dispose des moyens politiques et militaires importants et suffisants pour sanctionner unilatéralement un Etat, elle doit se présenter au Conseil de sécurité en vue d’obtenir de celui-ci le permis d’agir (Chapitre VIII de la charte de l’ONU).
Lorsqu’une organisation régionale accuse un autre de violer le droit international et que le comportement de ce dernier menace la paix et la sécurité internationales, sauf si cette attitude constitue une agression, dans quel cas la légitime défense est admise, elle est tenue de saisir le Conseil de sécurité pour que ce dernier apprécie si ce cas appelle l’emploi de la force « dans l’intérêt commun » et décide l’action nécessaire par des mesures coercitives.
En dehors de l’ONU, aucune autre organisation ne peut, sans l’autorisation du Conseil de sécurité, décider d’imposer une sanction contre un Etat souverain.
Certes, l’UE s’est dotée de nouvelles compétences en politique étrangère depuis le Traité de Maastricht, et a déjà pris de nombreux actes destinés à mettre en place des régimes de sanctions autonomes. Elle applique pour ce faire des sanctions dites intelligentes consistant à imposer des interdictions d’entrée sur le territoire européen des personnalités et de gel des avoirs des dirigeants de certains Etats. Mais ce comportement ne peut être qu’une épreuve de force dépourvue de toute base légale aux yeux du droit international.
La règle déterminant le contenu de ces sanctions, la qualité de l’entité habilitée à les décider et la forme dans laquelle un tel acte est pris, sont contraires à la Charte de l’Organisation des Nations Unies et violent les principes de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires intérieures de l’Etat guinéen.
Lorsqu’un membre de l’Organisation enfreint le droit international, les autres Etats peuvent s’adresser au Conseil pour que des mesures efficaces soient prises à son encontre afin d’éviter que le droit impérial égoïstement imposé par la volonté unilatérale d’une puissance n’efface pas le droit international émanant du concours des volontés d’entités égales et souveraines.
En somme, il est clairement établi que l’Union européenne n’a ni la légalité, ni la légitimité pour se passer en gendarme du monde.
Abdourahamane WASSOLO DIALLO, Juriste et Enseignant-chercheur à la Faculté des scientifiques juridiques et politiques de L »UGLC-SC.
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