De 1958 à 1984, Ahmed Sékou Touré, dont la dictature fut l’une des plus sanglantes d’Afrique, fait vivre la Guinée au rythme des vagues de répression, liées à de multiples complots le plus souvent imaginaires. La période de terreur la plus intense s’étend de 1970 à 1977, le régime remplissant alors sans relâche les différentes prisons du pays, dont peu de détenus ressortiront vivants.
Or les témoignages sur ces camps de la mort, notamment celui de Boiro, sont nombreux et d’autant plus intéressants que le statut de leurs auteurs est très différent, non seulement par rapport au régime de Sékou Touré, mais aussi à l’égard des faits même qu’ils rapportent.
La confrontation de ces textes permet de mieux saisir jusqu’à quel point leur concordance peut ici faire office de preuve et leur donner le statut de documents « au premier degré », c’est-à-dire fournissant des données dont l’exactitude ne peut guère être mise en doute.
Cependant, certains auteurs n’échappent pas à la tentation du romanesque, à une forme de fictionnalisation qui tient à distance la lecture de type strictement historique. Enfin, la personnalité des auteurs et leurs partis pris idéologiques engendrent des différences sensibles quant à leur interprétation de l’histoire guinéenne. C’est à ce titre que les ouvrages sont alors des documents « au second degré », reflétant les traces diverses, voire divergentes, que cette histoire a laissées dans la mémoire collective.
Incidences politiques de l’écriture
Il faut tout d’abord évoquer le rapport très particulier qu’entretiennent ici l’écriture et les évènements historiques, du moins pour les textes parus avant la mort de Sékou Touré.
L’analyse de J.-F. Chevrier, selon laquelle « document et fait sont des notions connexes et complémentaires : le document livre des faits et il constitue un fait en lui-même » , est en l’occurrence particulièrement pertinente. Si l’écriture est ici toujours rétrospective, la publication en revanche a pu elle-même constituer un fait, parfois lourd de conséquences, dans l’actualité de la dictature.
Ainsi, l’ouvrage de Jean-Paul Alata, publié au moment où le gouvernement de V. Giscard d’Estaing tente de renouer avec la Guinée des relations « gelées » depuis le référendum de 1958, est aussitôt interdit par arrêté ministériel de Michel Poniatowski, alors Ministre de l’Intérieur, tandis qu’en Guinée, il déclenche la colère de Sékou Touré, l’annulation de certaines libérations annoncées et un brutal durcissement des conditions de détention, comme en témoignent Ardo Ousmane Bâ et Amadou Diallo, selon lequel cette publication aurait même empêché « le président guinéen d’effectuer une visite d’État en France » , par crainte des réactions de la presse. De même, Alpha-Abdoulaye Diallo présente la parution de La Mort de Diallo Telli, d’Amadou Diallo, comme l’élément déclencheur de sa propre fuite précipitée du pays, à cause des réactions prévisibles de Sékou Touré. Amadou Diallo lui-même reconnaît qu’entre la nécessité de témoigner et la crainte des conséquences pour autrui, il a dû opérer un « choix douloureux » . Au-delà du témoignage et de l’hommage aux disparus, ces deux ouvrages ont donc valeur d’acte politique inscrit dans l’actualité de leur époque et ayant engendré un infléchissement, si minime soit-il, de la réalité historique.
Le témoignage
J.-F. Chiantaretto dit du témoignage qu’il implique « une altération de l’écriture de soi, […] son expulsion hors le champ de l’intimité des événements individuels » .
En effet, dans la plupart de ces textes, l’aspect personnel du récit s’efface devant le devoir de mémoire et la volonté de livrer au monde la vérité de faits que le régime de Sékou Touré a désespérément tenté de tenir secrets : il s’agit, selon la belle formule de Michel Foucault, « d’opposer une vérité sans pouvoir à un pouvoir sans vérité » . L’avantpropos du récit d’A.-A. Diallo souligne clairement ce désir de s’en tenir à un exposé exact de faits qui ont avant tout une valeur collective.
L’ensemble de ces récits constitue ainsi un faisceau de données concordantes ou complémentaires. On y retrouve, sans contradiction ou différence notoires : les conditions de détention (disposition du camp, aspect des cellules, nourriture, conditions d’hygiène et de santé, règles disciplinaires, routine quotidienne) ; la description de la « cabine technique » et des tortures qu’on y inflige ;
les procédés d’exécution des condamnés à mort, notamment l’épouvantable « diète noire » (privation totale d’eau et de nourriture) ; les conditions de la survie (méthodes de communication secrète entre détenus, importance de la prière, expédients alimentaires divers) ; les jeux pervers de Sékou Touré (qui n’hésitait pas, par exemple, à téléphoner à certains détenus à peine sortis de la « cabine technique » pour leur prodiguer des témoignages d’amitié) ; les difficultés rencontrées après la libération (méfiance, voire mépris qui entourait le rescapé, difficultés de réinsertion, surveillance constante, nécessité de rendre au Président une visite de courtoisie pour le remercier de la grâce accordée).
En vertu du principe testis unus, testis nullus, l’historien peut donc trouver dans cette convergence et dans cette complémentarité des textes une riche matière documentaire dont la fiabilité, sans être absolue, semble importante. Il faut cependant tenir compte d’éventuels phénomènes d’intertextualité, certains auteurs ayant lu les récits antérieurs et les citant à l’occasion, ce qui peut infléchir les souvenirs et leur retranscription.
Enfin, un certain nombre d’ouvrages s’accompagnent de documents au sens classique du terme : carte du pays, plan du camp, photos, liste de détenus, dépositions publiées par le journal guinéen Horoya, tableau chronologique, etc. L’ouvrage d’A.R. Gomez, le dernier paru à ce jour, est celui qui affiche le plus nettement cet objectif documentaire en présentant un historique du camp, des photos, des fac-similés de documents divers, une série de graffitis relevés sur les murs des cellules, différentes listes (« complots », exécutions, charniers, détenus, etc.), ainsi que, dans certains chapitres, une organisation typologique (par exemple le chapitre 1 de la troisième partie, intitulé « Les différentes formes de tortures et de liquidations physiques »).
La tentation du romanesque
Cependant, ces récits ne révèlent pas tous le même souci d’exactitude ou d’objectivité. Si Alpha-Abdoulaye Diallo affiche, dès son avant-propos, sa volonté de s’en tenir à un exposé de données fiables et s’il précise souvent, au cours de son récit, la source de ses informations, il n’en va pas de même dans tous les ouvrages. On note en effet chez certains auteurs, notamment Nadine Bari, Camara Kaba 41 et Amadou Diallo, bon nombre d’éléments tendant vers la fonctionnalisation et la mise en forme littéraire du récit.
Le récit de Nadine Bari relève tout d’abord du témoignage indirect : elle raconte l’expérience de Mouctar Bah et de sa femme tchèque, Milena. Or, si elle affirme se fonder sur leurs récits respectifs, elle ne dit rien des conditions dans lesquelles elle a recueilli leurs propos, ni des modalités selon lesquelles elle en a conservé la trace. Par ailleurs, elle prend la liberté d’écrire certains chapitres à la première personne, laquelle renvoie tour à tour à différents personnages, centraux ou secondaires.
Parallèlement, elle ne parle jamais d’elle-même qu’à la troisième personne, excepté dans les derniers chapitres, où elle raconte la mort brutale de Mouctar en 2002. Elle fait alors alterner sa voix et celle de Mouctar dont elle imagine les pensées et les visions pendant son coma, puis après son décès, transgressant ici totalement le pacte de lecture inhérent au témoignage.
Ce triple jeu sur le je de l’écriture, mettant à distance le sujet écrivant, s’emparant de la parole d’autrui et multipliant les référents pour construire un discours polyphonique, relève davantage de l’écriture romanesque que de celle du document ; il en va de même pour la perspective spatio-temporelle qui a été adoptée : tandis que la plupart des ouvrages ne retracent que la période de détention, N. Bari nous raconte des vies, celle de Mouctar de son enfance à sa mort, celle de Milena après son expulsion de Guinée et son retour en Tchécoslovaquie.
Cet aspect biographique, qui excède largement le cadre du témoignage historique, tend d’autant plus à transformer les « personnes » en « personnages » que le récit est très construit, maniant savamment l’art du « montage alterné » pour employer un terme cinématographique. L’ouvrage de N. Bari est d’ailleurs le seul à porter un titre métaphorique – Les Cailloux de la mémoire –, premier signe emblématique d’une forme de littérarisation.
Chez Camara Kaba 41, on relève également une forme de distanciation visà-vis de l’expérience personnelle, qui se traduit à plusieurs reprises par l’emploi de la troisième personne pour parler de lui, ainsi que par la rareté des passages narratifs le concernant directement.
Parallèlement, la posture narrative est de l’ordre du romanesque : l’auteur raconte, sans citer aucune source, un grand nombre de scènes auxquelles il n’a pas participé et dans lesquelles un narrateur omniscient nous donne à lire les pensées et sentiments des victimes comme des tortionnaires. L’incipit, extrêmement dramatisé, donne le ton, puisqu’il s’agit d’une séance de torture particulièrement épouvantable, pratiquée sur une femme dont l’auteur cache l’identité sous un pseudonyme et dont nous ne saurons rien de plus. On perçoit par ailleurs une volonté de composition littéraire dans l’alternance des genres et des registres : récits de faits historiques ou de scènes précises concernant tel ou tel détenu, portraits, analyses politiques, diatribes véhémentes interpellant directement Sékou Touré, etc. Enfin, le portrait de Sékou Touré et de ses acolytes manifeste une recherche évidente d’effets stylistiques puisant dans la rhétorique du pathos et du blâme.
Le cas d’Amadou Diallo enfin est assez différent. Le titre de son ouvrage – La Mort de Diallo Telli premier secrétaire général de l’O.U.A. – signale d’emblée un contenu plus biographique qu’autobiographique puisqu’il s’agit du sort réservé à une figure historique et non du sien. Cependant, l’histoire de ces deux hommes est inextricablement liée : c’est A. Diallo qui a dénoncé D. Telli sous la torture. Le récit est l’expression d’un repentir extrême et remplit donc une fonction de réparation qui consiste à livrer au public non seulement les circonstances exactes de la mort de D. Telli, mais aussi son testament politique, dont A. Diallo affirme avoir été le dépositaire.
Or l’ouvrage n’est pas dénué d’une part de fiction : l’auteur relate des scènes auxquelles il n’a pas assisté et retranscrit des documents auxquels il n’a probablement pas eu accès. Ces entorses à l’exactitude du témoignage ne font que renforcer le doute légitime que l’on peut entretenir face au long texte intitulé « Déclaration authentique de Diallo Telli », bien que l’auteur explique comment il a pu le transcrire, le faire sortir du camp, puis le récupérer après sa libération.
Tous les autres témoignages montrent en effet que la communication de cellule à cellule était limitée et périlleuse, qu’il était impossible d’écrire, et extrêmement rare qu’un geôlier aide un prisonnier à entretenir des rapports avec l’extérieur, puisqu’il y risquait sa vie. A.-A. Diallo, dans son avant-propos, émet d’ailleurs « quelques réserves » sur cet ouvrage, tandis qu’A.O. Bâ, plus catégorique, qualifie de « mensonges » « tout ce qui est publié comme étant le testament politique de l’illustre disparu ou sa déclaration authentique » .
L’écriture de l’Histoire
Aucun de ces témoignages ne peut faire l’impasse sur le contexte historique et politique dans lequel s’inscrit l’expérience personnelle. Mais si l’histoire des historiens n’est pas une science exacte, elle l’est encore moins chez un non-spécialiste dont les erreurs, l’ignorance et la subjectivité sont ici particulièrement accentuées par les circonstances, non seulement parce qu’il s’agit d’un régime totalitaire, mais aussi parce que certains événements se sont déroulés alors que les auteurs étaient incarcérés.
C’est pourquoi, si les récits des événements majeurs concordent globalement, on relève en revanche beaucoup de variations dans le détail des faits . Mais au-delà des données factuelles, qui révèlent un certain manque de fiabilité, se pose le problème de leur analyse et du regard que portent ainsi les auteurs sur le régime et la personnalité même de Sékou Touré. L’agression portugaise du 22 novembre 1970, par exemple, reçoit ainsi des interprétations fort diverses. Si J.-P. Alata n’y voit qu’une expédition destinée à récupérer des prisonniers, N. Bari ajoute que les Portugais étaient accompagnés d’opposants décidés à « renverser le régime » . A.-A. Diallo affirme quant à lui que Sékou Touré était parfaitement informé du projet et qu’il a pris des mesures destinées à favoriser la réussite de l’expédition militaire .
Il suggère ainsi que le Président avait d’emblée l’intention de l’utiliser comme prétexte pour déclencher une vague de répression sans précédent. Si A.R. Gomez confirme le premier point, il réfute en revanche le second en imputant la réussite des Portugais à des erreurs stratégiques. Quant à Camara Kaba 41, il déclare que Sékou Touré « a appelé de tous ses vœux l’agression du 22 Novembre » et que celle-ci a été « un complot comme tous les autres, c’est-à-dire fomenté par lui de toutes pièces » .
Ces divergences d’analyse ne sont guère étonnantes si l’on considère le statut des auteurs et la nature de leurs textes : l’ouvrage de l’officier Camara Kaba 41 est un très violent réquisitoire dont le but essentiel est de représenter Sékou Touré comme le Mal absolu. À l’opposé, le livre de J.-P. Alata montre que, malgré ses déboires, cet ami intime de Sékou Touré a conservé pour lui une grande admiration et une affection à peine teintée de ressentiment.
Écartelé entre constat de l’évidence et fidélité aveugle, il refuse jusqu’au bout de remettre en cause ses convictions, à de rares exceptions près, et semble toujours croire que Sékou « a dénoncé, à trop de tribunes mondiales, les atrocités pratiquées sur les détenus politiques pour ne pas avoir le souci de garder les mains nettes » .
Aussi transfère-t-il toutes les responsabilités des horreurs commises sur le frère du Président, Ismaël Touré, décrit comme un monstre sanguinaire, œuvrant dans l’ombre à l’insu du Président pour asseoir son propre pouvoir. La conclusion est ainsi pour le moins étonnante.
Clamant sa volonté de témoigner au nom de toutes les victimes du régime, J.-P. Alata ajoute en effet : « Pour mon amitié avec le vieux Sily aussi, je parlerai. Pour qu’on sache, pour que l’homme du 28 septembre ait une dernière chance de reprendre la barre et de chasser le ministre félon » . Ainsi, Sékou Touré, loin d’être le bourreau du peuple guinéen, n’aurait été que la première victime d’un sournois Ganelon. Une telle position est évidemment difficilement tenable sans quelques contradictions, tel ce commentaire sur les prisonniers : « Il était clair qu’ils ne réagiraient jamais contre le président, tout désigné pourtant comme seul artisan de leur malheur. Ils continuaient à l’entourer, en prison, de leur vénération » .
Le problème qui se pose à J.-P. Alata est en fait celui de sa propre participation au régime : comment renier Sékou Touré sans se renier lui-même ? Si des victimes innocentes peuvent dénoncer avec vigueur toutes les exactions commises, la tâche est plus rude pour ceux qui ont été de proches collaborateurs du dictateur.
Ainsi la perspective historique est-elle globale chez les uns, tronquée chez les autres.
Camara Kaba 41, N. Bari ou A.R. Gomez, par exemple, retracent, dans le texte ou dans un tableau donné en annexe, l’ensemble du règne de Sékou Touré, notamment la succession des « purges », qui ont débuté dès 1960. Chez J.-P. Alata et A-A. Diallo, en revanche, à l’exception de rares réminiscences, il semble que le règne de la terreur n’ait commencé qu’à l’époque où eux-mêmes ont été arrêtés. Le récit de son incarcération est présenté par A.-A. Diallo comme une découverte brutale des coulisses du régime et de la vraie nature de ses représentants, dont l’auteur prend soin de se distinguer : « Or il est certain que ces gens et moi, nous ne sommes plus du même côté de la barrière.
L’avons-nous jamais été ? » Le passage de la négation (« ne plus ») à l’interrogation est révélateur du problème idéologique et éthique que pose à l’auteur sa participation au régime.
Certes, il n’a jamais fait partie des plus hautes instances révolutionnaires, ni du groupe de tortionnaires à la solde de Sékou Touré. Il a cependant été membre du gouvernement pendant des années en tant que Ministre des Affaires étrangères, puis de la Jeunesse, et, lors de l’agression portugaise, il s’est précipité au palais pour organiser la protection du Président. D’après ses accusateurs eux-mêmes, il « a rendu d’importants services à la Révolution. Il l’a défendue, éloquemment, brillamment, sur les tribunes internationales et particulièrement à l’O.N.U. » .
Aussi, lorsque l’auteur clame son innocence face aux accusations de trahison, le lecteur ne peut-il s’empêcher de « retourner » l’argument : la fidélité au régime ne le rend-elle pas au contraire coupable, sinon de crimes, du moins de complicité, ne serait-ce que passive ?
Le silence qui règne dans l’ouvrage sur les précédentes « purges » renvoie au silence discret et à l’obéissance aveugle dont il a fait preuve jusque-là. Un seul passage, rapportant une conversation en cellule entre l’auteur et J.-P. Alata, évoque la responsabilité politique de tous ceux qui ont servi directement sous les ordres du Président. Alors que J.-P. Alata maudit « ces salopards qui sont dehors, qui […] applaudissent toujours et crient “vive la révolution” », A.A. Diallo lui répond : « Nous l’avons tous fait, à un moment ou à un autre, alors que d’autres rats croupissaient ici à notre place. Ce qu’il fallait, c’est qu’il y eût résistance dès 1960.
Cela n’a pas été le cas » . Mais dans le reste de l’ouvrage, on a l’impression d’assister à un processus de refoulement, l’écriture de l’histoire s’inscrivant dans une tension constante entre le dit et le non-dit, accompagnée de phénomènes qui s’apparentent à des lapsus révélateurs. D’un côté, l’auteur semble avoir ignoré ce qui se passait, avoir tout au plus eu quelques doutes sur la réalité des complots et l’équité des procès.
D’un autre côté, cependant, lorsqu’il décrit les réactions de son entourage ou de la population guinéenne, le « refoulement » n’opère plus et ses observations trahissent le travestissement sans doute involontaire qu’il fait subir à la réalité : malgré la propagande, les mensonges et le secret, personne ne pouvait ignorer l’iniquité et l’arbitraire absolu de ce régime dictatorial.
Ce bref aperçu ne peut évidemment rendre compte de toute la richesse du matériau historique que constituent ces nombreux témoignages sur le camp Boiro et plus généralement sur le règne de Sékou Touré.
Cette richesse réside d’abord dans la profusion des informations qu’ils livrent quant aux pratiques d’un régime qui n’a quasiment pas laissé d’archives. Mais au-delà de leur aspect documentaire, ils présentent aussi des formes de littérarisation et de fictionnalisation qui rappellent ce qu’écrit Jorge Semprun à propos des rescapés de Buchenwald : « Raconter bien, ça veut dire : de façon à être entendus. On n’y parviendra pas sans un peu d’artifice.
Suffisamment d’artifice pour que ça devienne de l’art ! » Enfin, la diversité des analyses politiques et des regards portés sur la personnalité de Sékou Touré reflète toute la complexité d’une conscience collective où s’entremêlent adulation et haine, aveuglement et lucidité, aveu et déni de culpabilité, complexité qui perdure encore aujourd’hui et dont témoigne un récent ouvrage d’entretiens avec des responsables politiques guinéens .
Florence PARAV