L’autre de ces « observations » est un docteur en droit public économique de l’Université Paris1 Panthéon-Sorbonne. Jusqu’en 2019, Dr Galissa Hady Diallo enseignait le droit administratif et constitutionnel à Paris1. Essayiste, il est également titulaire d’un master en droit des affaires obtenu à l’Université de Nice et a notamment travaillé dans les Directions Conformité de grandes multinationales spécialisées en Banque-finance et en assurance. Il est Gérant du Cabinet Loi & Lumière.
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Il faut d’emblée préciser que la confusion ayant entouré la sortie d’abord du rapport sur l’Avant-projet avant le projet lui-même n’a pas rendu service à la clarté et l’intelligibilité requis pour un tel exercice. L’Avant-projet n’a été officiellement publié que quelques jours après la sortie du rapport qui avait déjà suscité moult réactions en raison d’un certain nombre d’incohérences et d’incompréhensions. Lors de la conférence de presse organisée à ce sujet par le CNT et son président le 07 août 2024 à l’Hôtel Kaloum, j’ai pu entendre certaines précisions. Mais dans le même temps, volontairement ou non, certaines réponses avaient esquivé d’autres questions et non des moindres. L’ensemble de mes commentaires se feront alors sous certaines réserves.
Qu’est ce qu’un avant-projet de constitution ? Pour le dire aussi clairement et tout bonnement, il s’agit d’un « avant goût ».
Un extrait se focalisant sur des points que les auteurs peuvent estimer saillants dans l’optique d’entamer des échanges et des discussions autour du projet de constitution lequel, une fois entériné par les conseillers nationaux, sera considéré comme constitution et soumis au référendum avant promulgation par le président de transition pour, enfin, pouvoir être considérée comme telle.
Dès lors, et avec toute la prudence que cela requiert, il me paraît important d’entamer ces observations par une petite note méthodologique (I) avant d’aborder celles qui me semblent plus ou moins pertinentes (II) et finir par celles qui le sont moins car appelant discussion voire suppression en raison de leur impertinence dans un texte aussi symbolique qu’une constitution (III).
l’État.
CM. (Il s’agit là d’un élément qui doit concentrer l’attention singulière de tous. Même si je trouve qu’on peut aller plus loin en identifiant certaines des composantes de cet écosystème et leur doter une personnalité juridique et des droits inaliénables à la préservation et d’entretien pour qu’elle ne soient plus jamais délaissées sous peine d’engager la responsabilité de l’État, des élus locaux, des acteurs économiques ou de tout autre acteur concerné, y compris par voie de pétition. Je pense ici au Parc de Badiar, à nos Forêts notamment celle de Ziama, au Bassin fluvial du Foutah Djallon, aux sources fluviales de la Basse Côte ainsi qu’à la préservation du fleuve Niger en Haute Guinée contre un ensablement érosif avancé).
6- L’affirmation de l’inviolabilité et la sacralité de l’être humain et de sa dignité (doit être la première des affirmations de la sous-section « Droits civils et politiques « .
CM. Pour ma part, je ne retiendrai pas, comme l’indique le rapport, la notion de « reconnus » parce qu’on ne peut faire autrement que de reconnaitre tous les droits civils et politiques.)
7- La consécration du droit à l’intégrité physique de toute personne et la proscription.
8- La réitération du droit au cortège et de manifestation.
CM. (Là aussi, était-il nécessaire d’ajouter le caractère « pacifique ». Absolument pas. Le droit ne reconnait par le truchement de l’ordre public que des manifestions pacifiques. Nul besoin de le mentionner ici).
9- L’interdiction de contraindre quiconque au déplacement forcé et à l’exil.
CM. (Nous devons sur ce point également s’interroger collectivement et empiriquement. Quelle en est la réalité dans le pays ?)
10- La réaffirmation des deux conditions substantielles à l’expropriation : utilité publique et indemnisation juste et préalable.
CM. (Mais en amont, il faudrait mettre fin au laxisme face à ceux qui cèdent ou vendent indûment des biens publics de l’État en toute connaissance de cause. Le mal doit être soigné à la racine).
11- La garantie du droit d’accès à l’information publique.
CM. (Il faudrait rendre délictuel toute vente ou rétention d’une information publique non couvert par le sceau d’une restriction légale–confidentialité ou grade–. L’accès à l’information publique est si important qu’il doit être corrélatif à la fondamentale et indispensable facilitation de l’accès au juge.)
12- L’engagement de l’État à protéger les citoyens contre la discrimination dans l’accès au logement.
CM. (Bien avant cela, il me paraît essentiel que l’État veille à règlementer les prix à travers un plafonnement des logements au regard du niveau de vie de la population. Oui, les discriminations peuvent exister mais la responsabilité de certains locataires ne doit en aucun cas être occultée. De toute les manières, tout ceci est du domaine de la loi, laquelle délimiterait les compétences entre le national et le local. Car les communes devraient avoir un grand rôle à jour sur ce sujet.)
l’État.
CM. (Il s’agit là d’un élément qui doit concentrer l’attention singulière de tous. Même si je trouve qu’on peut aller plus loin en identifiant certaines des composantes de cet écosystème et leur doter une personnalité juridique et des droits inaliénables à la préservation et d’entretien pour qu’elle ne soient plus jamais délaissées sous peine d’engager la responsabilité de l’État, des élus locaux, des acteurs économiques ou de tout autre acteur concerné, y compris par voie de pétition. Je pense ici au Parc de Badiar, à nos Forêts notamment celle de Ziama, au Bassin fluvial du Foutah Djallon, aux sources fluviales de la Basse Côte ainsi qu’à la préservation du fleuve Niger en Haute Guinée contre un ensablement érosif avancé).
6- L’affirmation de l’inviolabilité et la sacralité de l’être humain et de sa dignité (doit être la première des affirmations de la sous-section « Droits civils et politiques « .
CM. Pour ma part, je ne retiendrai pas, comme l’indique le rapport, la notion de « reconnus » parce qu’on ne peut faire autrement que de reconnaitre tous les droits civils et politiques.)
7- La consécration du droit à l’intégrité physique de toute personne et la proscription.
8- La réitération du droit au cortège et de manifestation.
CM. (Là aussi, était-il nécessaire d’ajouter le caractère « pacifique ». Absolument pas. Le droit ne reconnait par le truchement de l’ordre public que des manifestions pacifiques. Nul besoin de le mentionner ici).
9- L’interdiction de contraindre quiconque au déplacement forcé et à l’exil.
CM. (Nous devons sur ce point également s’interroger collectivement et empiriquement. Quelle en est la réalité dans le pays ?)
10- La réaffirmation des deux conditions substantielles à l’expropriation : utilité publique et indemnisation juste et préalable.
CM. (Mais en amont, il faudrait mettre fin au laxisme face à ceux qui cèdent ou vendent indûment des biens publics de l’État en toute connaissance de cause. Le mal doit être soigné à la racine).
11- La garantie du droit d’accès à l’information publique.
CM. (Il faudrait rendre délictuel toute vente ou rétention d’une information publique non couvert par le sceau d’une restriction légale–confidentialité ou grade–. L’accès à l’information publique est si important qu’il doit être corrélatif à la fondamentale et indispensable facilitation de l’accès au juge.)
12- L’engagement de l’État à protéger les citoyens contre la discrimination dans l’accès au logement.
CM. (Bien avant cela, il me paraît essentiel que l’État veille à règlementer les prix à travers un plafonnement des logements au regard du niveau de vie de la population. Oui, les discriminations peuvent exister mais la responsabilité de certains locataires ne doit en aucun cas être occultée. De toute les manières, tout ceci est du domaine de la loi, laquelle délimiterait les compétences entre le national et le local. Car les communes devraient avoir un grand rôle à jour sur ce sujet.)
processus transparent d’élection, il serait extrêmement difficile qu’un parti au pouvoir puisse avoir une majorité tant au Sénat qu’à l’AN. Cela pourra donc réduire drastiquement la connotation (souvent réelle) de chambre d’enregistrement qui colle à la peau de notre organe législatif. Cela facilitera également l’ouverture, en cas de nécessité, de commissions d’enquête, une chose plutôt rarissime dans notre pays.
– Un sénat limiterait le vote en l’état des textes proposés à l’AN, notamment ceux du gouvernement. Ce qui implique et exige qu’on ne laisse y entrer, si tant est que l’on tienne à sa crédibilité, que des profils aussi bien représentatifs de nos terroirs et nos autorités coutumières que des gens initiés aux enjeux et capables d’y réfléchir. Exigence et non nivellement par le bas. Cela est d’autant plus indispensable qu’on envisage de confier au Sénat la validation ou l’émission d’avis sur certaines nominations.
processus transparent d’élection, il serait extrêmement difficile qu’un parti au pouvoir puisse avoir une majorité tant au Sénat qu’à l’AN. Cela pourra donc réduire drastiquement la connotation (souvent réelle) de chambre d’enregistrement qui colle à la peau de notre organe législatif. Cela facilitera également l’ouverture, en cas de nécessité, de commissions d’enquête, une chose plutôt rarissime dans notre pays.
– Un sénat limiterait le vote en l’état des textes proposés à l’AN, notamment ceux du gouvernement. Ce qui implique et exige qu’on ne laisse y entrer, si tant est que l’on tienne à sa crédibilité, que des profils aussi bien représentatifs de nos terroirs et nos autorités coutumières que des gens initiés aux enjeux et capables d’y réfléchir. Exigence et non nivellement par le bas. Cela est d’autant plus indispensable qu’on envisage de confier au Sénat la validation ou l’émission d’avis sur certaines nominations.
toujours détournée à des fins personnelles.)
2- L’organisation territoriale (art. 187 et s.)
CM. (Des provinces pourquoi pas pour combler le basculement des régions dans la décentralisation (loi 2016). Néanmoins, compte tenu de la superposition souvent inutile et pesante entre les préfets et ces dites provinces ne me paraissent pas utiles. Ce serait une strate administrative de trop. Aussi, faut-il noter la contradiction qui, au lieu de rendre effective la décentralisation des régions comme le voulait la loi de 2016, cherche à ériger des provinces en collectivités. C’est d’autant plus contradictoire qu’il est affirmé à l’art. 93 que les régions font partie de la conférence des élus locaux où les conseillers régionaux sont présents. Par ailleurs, l’art. 111 indique que « Les deux tiers (2/3) des Sénateurs sont élus par le corps électoral constitué des conseillers régionaux et communaux »).
3- Les collectivités décentralisées bénéficient d’une part des ressources fiscales nationales…(art. 190).
CM. (Si cela peut soulager le budget local, une telle ouverture pourrait avoir son utilité mais que les collectivités lèvent déjà avec effectivité l’impôt local et qu’elles soient intraitables, erga omnes, dans l’exercice effectif de leur compétence, qu’elles n’aient pas peur de recourir au juge en cas de conflit de compétences, qu’elles démontrent lutter efficacement contre le détournement soit par elles, soit par d’autres, des fonds qui leur sont légalement attribués.)
III- Des propositions convoquant discussion, doute voire impertinence et suppression pure et simple
A- Au sein du Préambule
1- L’affirmation du peuple de Guinée de son attachement à la fraternité, au dialogue, à la tolérance et aux moyens de règlement pacifique des conflits.
CM. (Oui au règlement pacifique des conflits, mais c’est tant que cela ne dépouille pas la fonction judiciaire de sa substance. Or, c’est ce qui est souvent le cas dans notre pays. Il faut affirmer d’abord le règlement judiciaire avant celui fondé sur d’autres types qui demeurent, à mon sens, non pas une alternative mais une voie complémentaire à l’égard de la justice institutionnelle. Il est inquiétant de constater qu’un pan important du laxisme attribué à la justice de notre pays vient de là. Il faudrait y remédier, progressivement mais effectivement.)
2- Sous-section Souveraineté. L’affirmation selon laquelle tout parti politique a l’obligation d’être implanté sur toute l’étendue du territoire national.
CM. (Une telle exigence me paraît irréaliste et peut-être même antidémocratique. Autrement, quid des partis politiques dont l’impact et l’engagement n’ont qu’une vocation locale dans le cadre d’une décentralisation efficace notamment ? Exiger que des partis dont l’ambition n’est pas nationale mais qui comptent influer sur la vie publique locale revient à instaurer une sorte de pluralisme censitaire. On peut l’exiger aux partis qui aspirent à gouverner l’ensemble du pays et non à ceux qui n’ont que des ambitions locales voire même rurales, villageoises. Faire vivre la démocratie locale est un gage de la performance de celle nationale car elle n’en est que la résultante.)
avec possibilité de saisine pour tout ayant intérêt.)
7- La promotion de la participation des Guinéens établis à l’étranger.
CM. (Cela doit également être un processus et pratiques institutionnels, une véritable politique. Un pôle national de valorisation des compétences inclurait toute catégorie confondue. La MAMRI pourrait s’élargir dans ce cadre là.)
B- Le citoyen dans la constitution
1- S’agissant des droits civils et politiques au sein desquels sont inscrits l’enseignement et la vulgarisation de la constitution.
CM. (Nul besoin d’inscrire cela dans une loi. Il faut donner les moyens aux écoles, aux facs de droits, au monde universitaire et renforcer les modalités d’évaluation de l’éducation civique dans les examens nationaux.)
2- La prescription du caractère prioritaire de l’éducation nationale.
CM. (A-t-on besoin d’une loi pour que cela soit connu et que les politiques y convergent ?)
3- La garantie par l’État d’une allocation budgétaire conséquente au secteur de la santé, dans les conditions déterminées par la loi.
CM. (L’accès oui, mais surtout le traitement ainsi que le respect de la durée légale des stages selon les domaines que l’on soit en entreprise ou dans le secteur public. Sur ce point aussi, on a simplement besoin d’appliquer la législation existante.)
4- Le droit de la famille à la protection de l’État. Sur ce point le rapport (avant projet) dit que « La garantie par l’État du droit, à partir de 18 ans, pour un homme et une femme, de se marier sans aucune discrimination fondée sur l’ethnie, la religion, la nationalité, la couleur de la peau ».
CM. (Il s’agit là d’une proposition ne contenant aucun intérêt législatif. L’État n’a pas à s’immiscer dans les sentiments des uns et des autres. Quelle banalité que de rappeler qu’on tombe amoureux selon nos cœurs et non parce qu’une loi l’a dit. L’État n’a à garantir ni l’amour ni le mariage à qui que ce soit. Si par cette formulation, ils entendent parler du mariage mixte entre communautés de notre pays, je crois pouvoir dire que certains de nos parents n’ont pas attendu un tel texte pour le faire. Il y a une mixité partout. À un certain niveau, il ne faut pas ridiculiser nos textes de loi qui le sont déjà assez en raison d’une inapplication effective. De grâce !)
5- L’accès des personnes en situation de handicap aux moyens de transport public.
CM. (Il y a de quoi sourire car le défis est aujourd’hui l’accès aux transports publics de tous les Guinéens. Notre pays manque encore de politique viable de mobilité publique. Donc nécessairement, une telle politique inclura les personnes à mobilités réduites.)
6- Le devoir des enfants d’obéissance, de soins et d’assistance à leurs parents.
CM. (Avons-nous besoin de consacrer cela. Même dans l’état actuel des choses, cela se fait selon nos traditions et cultures. Attention à vouloir institutionnaliser une pratique déjà pénalisante pour bon nombre de jeunes (fils) en les culpabilisant vis-à-vis de la situation de leurs parents. Aujourd’hui, nous avons une jeunesse énergique dont il faut libérer, aider et soutenir le talent et non venir insister sur des responsabilités qu’elle assume déjà et dont elle ne devrait s’occuper si ce n’est raisonnablement.)
C- Les institutions dans la structure constitutionnelle
1- Les institutions gouvernantes. ((art. 41-1).
CM. (Cette notion est impropre, j’espère qu’elle ne sera pas inscrite comme telle dans la constitution. Le parlement ne gouverne pas, cela relève d’un sens basique du droit. Je pense que l’ossature classique consacré est non seulement plus audible et pédagogique et surtout plus correcte. Au lieu d’intégrer le parlement dans une formulation floue le faisant passer pour une institution gouvernante, il faut plutôt rester sur le triptyque : Pouvoir exécutif, pouvoir législatif et pouvoir judiciaire.)
8- Moyen d’action de l’AN sur le gouvernement. La motion de censure est déposée suite, soit à un désaccord persistant (à quantifier par qui ?), soit suite à l’insuffisance notoire de résultats dans la mise en œuvre de la feuille de route assignée au Premier ministre par le Président de la République (art. 134 et s.).
CM. (Comment et par qui apprécie-t-on ce caractère notoire et même l’insuffisance ?)
9- Moyens d’action de l’exécutif sur l’Assemblée nationale (art. 136).
CM. (En ce qui concerne la dissolution de l’AN, il faut en modérer voire raréfier l’usage car dans un pays où les élections ne sont pas en totalité financées par l’économie nationale, c’est un pouvoir dont la mise en œuvre doit être réduite, stricte et même une seule fois dans une législature, sinon chaque dix ans.)
développement (art. 174).
CM. (Redondance avec des institutions déjà existantes notamment au sein du ministère du plan. C’est le cas entre autres de certaines missions des PDL…En sus, compte tenu de tout ce qu’on veut lui attribuer, une seule commission ne sera en rien efficace. Ce mélange entre questions d’engagement citoyen et gestion de ressources financières, le tout sur saisine pour in fine se contenter d’élaboration de rapports, ce n’est pas cela l’efficacité et encore moins une vision stratégique de planification si tant que l’on pense à cela.)
2- La Commission nationale pour le développement est obligatoirement saisie, pour avis, sur tout contrat sur les ressources minières, énergétiques, hydrauliques et environnementales avant sa signature ((art. 174 al. 3).