À Bambeto, devant les murs vieillissants d’une vieille mosquée, loin du tumulte de la modernité, un homme façonne encore l’âme d’un héritage oublié.
Mamadou Alpha Diallo est aveugle. Et pourtant, ses mains voient là où les yeux échouent. Depuis des décennies, il fabrique une encre noire traditionnelle, issue d’un savoir ancestral, aujourd’hui presque disparu.
Rencontré par Loupeguinee.com, ce vieil artisan raconte avec humilité comment il perpétue cette tradition familiale. « Je fabrique l’encre à partir de feuilles appelées Tchélein en langue poular. On les ramasse, on les laisse pourrir, puis on les fait bouillir dans une marmite. Ensuite, on les malaxe et on filtre : c’est ainsi que naît l’encre », explique-t-il, avec la précision d’un maître d’atelier.
Privé de la vue, mais jamais de dignité, Mamadou Alpha rejette la mendicité. « Là où vous êtes assis, je ne vous vois pas. Mais je vis de mon travail, et j’en suis fier. »
Mais cette encre, mémoire liquide de toute une culture, disparaît lentement. Face aux stylos à bille et aux technologies modernes, même les écoles coraniques, autrefois grandes utilisatrices, s’en détournent. « Avant, les habitants de Kaporo Rails étaient nos meilleurs clients. Leur déguerpissement a tout changé », se désole-t-il.
Aujourd’hui, Mamadou Alpha lance un appel vibrant aux autorités :
« Le ministère de la Culture doit nous aider. Cette encre a servi à écrire le Coran, la Bible, nos histoires. Elle fait partie de notre patrimoine. »
L’encre traditionnelle s’efface peut-être, mais tant que Mamadou Alpha résiste, chaque goutte qu’il crée est un acte de mémoire, de culture, et de foi en l’avenir.
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