Seize ans après le massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry, les cicatrices restent béantes, malgré une récente annonce d’indemnisations accordées aux victimes. Pourtant, alors que certains saluent un geste de justice réparatrice, d’autres dénoncent une stratégie politique qui compromet gravement la quête de vérité et de responsabilité.
La présidente de l’Association des Femmes et Filles Violées (AFFV), Amie Diop — elle-même survivante de ce drame — a exprimé sa gratitude au président de la République pour ces compensations financières. Lors d’une déclaration publique, elle a salué ce qu’elle considère comme « un acte de reconnaissance et de solidarité envers les victimes », allant jusqu’à louer le « leadership » et « l’engagement pour la justice » du chef de l’État.
Mais derrière les discours de réconciliation, une controverse majeure divise les défenseurs des droits humains : la récente grâce présidentielle accordée à l’ancien chef de la junte militaire, le capitaine Moussa Dadis Camara, principal accusé dans le dossier du 28 septembre.
Une justice à géométrie variable ?
Pour de nombreuses victimes et avocats impliqués dans le procès, cette mesure de clémence est une trahison. Maître D.S. Bah, avocat de plusieurs familles endeuillées, dénonce un acte qui « fragilise le processus judiciaire en cours et remet en question la volonté réelle de rendre justice ».
La décision présidentielle apparaît comme un signal ambigu : d’un côté, l’État indemnise discrètement, de l’autre, il absout l’un des principaux responsables présumés. Une contradiction qui, selon plusieurs observateurs internationaux, risque de porter un coup fatal à la confiance des victimes dans les institutions guinéennes.
Le prix du silence ?
Interrogée sur le montant exact des indemnisations, Mme Diop a éludé la question, invoquant des « raisons de sécurité ». Ce silence alimente les soupçons sur le manque de transparence et de consultation dans le processus d’indemnisation.
Certains y voient un outil de division : en récompensant les associations les plus conciliantes, le gouvernement chercherait à isoler les voix critiques.
En parallèle, des organisations de la société civile accusent les autorités de manipuler le discours de « réconciliation nationale » pour escamoter les responsabilités. La grâce présidentielle accordée à Dadis Camara est perçue comme un affront direct à la mémoire des plus de 150 civils tués, des centaines de femmes violées, et des dizaines de disparus.
Réconciliation ou effacement de la mémoire ?
La réconciliation, martelée dans les discours officiels, ne saurait se faire au détriment de la vérité. Si la paix civile est un objectif légitime, elle ne peut justifier l’effacement des responsabilités ni le gel d’un procès attendu depuis plus d’une décennie.
Dans un pays où l’impunité a souvent été la règle, beaucoup craignent que ce nouvel épisode n’installe une jurisprudence dangereuse : celle où la mémoire collective et la justice des victimes sont sacrifiées sur l’autel de la stabilité politique.
Conakry 7 octobre 2025
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